Le monde actuel vit une situation sociale polluée au moment où des institutions politiques bataillent pour instaurer des conditions de vie idéales pour les populations.La politique, s'il faut l'appeler en son nom propre et laisser le signifié de ce concept guider notre réflexion, est un art, une technique, un service, une organisation, une structuration, une orientation à la vie commune d'une cité.
Cette note familiale et communautaire est pour l'Église très importante car elle colore autrement les relations entre les membres et leurs délégués, ici (abategetsi, abarongozi, abaduserukira,...)
Dans le contexte burundais, nous pouvons aujourd'hui appeler cette cité (autrefois grecque)une communauté politique, une famille humaine comme la famille burundaise, «abarundi, bene Mugabo umwe, basangiye igihugu, basangiye akahise, basangiye ugupfan'ugukira, turi abavandimwe, turi abavukanyi, turi abarundi twese».
Être un cadre dans un État, c'est une vocation (un appel), un honneur et une mission. C'est porter dans ses responsabilités les joies et les peines d'un peuple pour une partie de son histoire. Malheureusement, «À cause de l'ampleur du mal, la charité de la plupart des hommes se refroidira», la ferveur diminue, le zèles'amenuise et on assiste à des dirigeants fatigués.
L'ampleur du mal dont JĂ©sus parle s'estbel et bien fait sentir dans ce beau pays.
Une lueur obscure a plané non seulement sur le pays mais aussi dans les coeurs pendant un certain nombre d'années. Ni chauds ni froids, notre amour s'est amolli... Le mal a failli imposer ses règles de jeu. Qui ne se lamente pas devant la corruption?Quel chef de village ne fait pas de deuil quand un ses descendants meurt devant lui? Qui ne voit pas que nous avons acquis de nouvelles mauvaises habitudes et de faux critères de jugement?
Regardez bien,un certain nombre de burundais portent des lunettes archi-déformants. Voyez,nous risquons de devenir myopes devant des faits même bruts. C'est pourquoi,pour aider ce pays à se relancer et à remorquer toutes les couches de la population vers une destinée de couleur arc-en-ciel dans un train fraternel de don de soi, de dévouement, de patriotisme, de service offert avec joie et amour, il faut un renouveau socio-politique profond. Avons-nous vraiment besoin de ce renouveau ?
Le renouveau politique se fonde dans lerenouveau spirituel
Les problèmes de nos sociétés ne sont pas fondamentalement politiques ou institutionnels, ils sont plus profonds, ils sont d'ordre moral. Un renouveau politique doit commencer par celui social. Un renouveau social purifie d'abord la culture, la façon de concevoir l'homme, le monde et même Dieu. "En réalité, au coeur du problème culturel, il y a le sens moral qui, à son tour, se fonde et s'accomplit dans le sens religieux". Il y a au fond un problème religieux: ils'agit de reconnaître que Dieu est l'unique et l'ultime Bien, et que lui seul constitue une base solide et une condition irremplaçable de toute la moralité.
Si nous voulons enclencher un réel renouveau politique et social dans ce pays,nous devons descendre jusque dans les abîmes de nos coeurs pour retrouver les racines de notre relation avec Dieu. Et si le chrétien catholique ne le fait pas (parlons de nous-mêmes), n'attendons pas que des hommes droits et honnêtes,des cadres sincères et justes nous proviennent des autres confessions religieuses. Nous avons tant reçu, nous avons autant à donner.
Ce renouveau est comme une condition pour tous les hommes politiques parce que c'est par le coeur que l'on décide, qu'on décrète, qu'on évalue, qu'on juge et qu'on commande. C'est au fond de ce coeur que résident toutes les facultés humaines. «Au fond de sa conscience, l'homme découvre la présence d'une loi qu'il ne s'est pas donnée lui-même, mais à laquelle il est tenu d'obéir. Cette voix, qui ne cesse de le presser d'aimer et d'accomplir le bien et d'éviter le mal, résonne au moment opportun dans l'intimité de son coeur: "Fais ceci, évite cela".Car c'est une Loi inscrite par Dieu au coeur de l'homme; sa dignité est de lui obéir, et c'est elle qui le jugera (cf. Rm 2, 14-16)» (VS, 54).
Ainsi, devant les formes graves d'injustice sociale et économique ou de corruption politique que nous pouvons rencontrer dans plusieurs services, laissons jaillir en nous une nécessité urgente d'un renouveau radical personnel et social propre à assurer la justice, la solidarité, l'honnêteté et la transparence. "Le chemin à parcourir est assurément long et ardu; les efforts à accomplir sont nombreux et considérables afin de pouvoir mettre en oeuvre ce renouveau. Mais, comme l'histoire et l'expérience de chacun l'enseignent, il n'est pas difficile de retrouver à la base de ces situations des causes à proprement parler «culturelles», c'est-à -dire liées à certaines conceptions de l'homme, de la société et du monde" (VS 98).
Plusconcrètement, quels sont les étapes de ce renouveau?
Ce Carême de 2018 peut constituer une occasion pour se fixer de nouvelles règles. Ce peut être une occasion pour construire une meilleure structure, une meilleure bâtisse sociale.Mais ça ne suffit pas, si on ne joue pas sur les fondations. Notre personnel,nos subalternes, nos collègues ne produiront pas mieux par des décisions purement structurelles. Ils doivent avoir le courage de s'arrêter pour revoir les motivations profondes qui leur poussent à l'action.
Le voyage vers le fond du coeur passe par quatre axes:
- rénover notre tension vers la vérité;
- donner un témoignage d'exemple de vie et d'engagement social;
- rénover et fonder son espoir;
- l'engagementde tous (implication de tous les acteurs et de tous les partenaires).
1. Tendre toujours vers la vérité:
Tendre vers la vérité signifie d'abord se tourner vers Dieu. "Sans Dieu, on ne fait aucun bien à l'homme" (Mazzolari aux Parlementaires italiens en 1946). Retourner à Dieu ne veut pas dire aller à la messe, reconnaître qu'il existe, c'est se mettre à son service, convaincu que l'action sociale et politique est d'abord un service à Dieu, à son plan du salut, à son projet sur l'homme et sur le monde. Nous sommes engagés dans un projet divin comme Maître Architecte. Ce monde n'est pas nôtre de manière absolue. Les personnes à notre pouvoir, la population, c'est le peuple de Dieu. Nous sommes au service de Dieu.
Tendre vers la vérité c'est ensuite accueillir de Dieu l'Amour, la charité, énergie qui pousse à servir l'homme, image vivante de Dieu.
Tendre vers la vérité c'est reconnaître qu'il y a une unique vérité à respecter, à incarner même dans le champ social et politique. "Le Bien suprême et le bien moral se rejoignent dans la vérité, la vérité de Dieu Créateur et Rédempteur et la vérité de l'homme créé et racheté par Lui. Ce n'est que sur cette vérité qu'il est possible de construire une société renouvelée et de résoudre les problèmes complexes et difficiles qui l'ébranlent" (VS 99). Il faut un renouveau!
Parler de vérité signifie parler de valeurs: celles relatives à la primauté de la personne humaine en tout, à la transcendance, à une cohérente vision de la société, à la subsidiarité et à la solidarité. Ces valeurs chrétiennes sont aussi universelles et nous en sommes convaincus.
Cette réflexion voudrait susciter en nous le souci de les vivre et de les faire vivre partout dans le pays. Le Pape Jean Paul II disait aux laïcs italiens: quand il s'agit de valeurs essentielles et éthiquement importantes, les chrétiens doivent se disposer à toute forme de résistance et d'opposition. Ils doivent identifier des instruments pour traduire en pratique ces valeurs, d'où le besoin d'élaborer en propositions politiques les valeurs découlant du patrimoine de la foi. Nous sommes appelés à vivre ce renouveau du coeur!
2. Donnerun témoignage de vie
- Se dédier au service: un style évangélique de vie centré sur l'amour et la gratuité dans la concrète disponibilité à se perdre soi-même et son temps,ses moyens, sans jamais subordonner le bien commun au bien personnel de sa famille ou de son groupe socio-politique.
- Cohérence et honnêteté: cohérence avec les valeurs fondamentales, honnêteté qui nous évite tout mal, tout attitude incorrecte. Il faut un bon témoignage car c'est de là qu'on saura que nous sommes des chrétiens. («Umu-chef wanje ni umukristu».
- Croissance dans la vertu: tempérance aux biens de ce monde, respecter les droits du prochain et lui donner son dû, solidarité pour le bien commun, sens de l'humanité, prudence pour déceler le bien, sincérité la recherche du consensus, détachement quand vous sentez que c'est le moment.
- Formation ecclésiale et culturelle constante (chaque fois qu'on vous appelle): savoir analyser,disséquer les mutations sociales et politique.
3. RĂ©nover et fonder son espoir
Nous les chrétiens, nous sommes capables de changer les choses et les choses peuvent changer. Il faut promouvoir les valeurs chrétiennes dans nos structures. Il faut s'engager à défendre le bien commun, le bien de tous! Voici notre profession de foi. Jésus a vaincu sur la Croix, il a vaincu le mal, il a vaincu le monde, il a détruit le péché dans toute forme d'oppression, il a porté le salut de toute la réalité comprise même celle sociale et politique.
Ce que Jésus a sauvé, défendons-le. Le règne que Jésus a instauré, répandons-le. L'amour que Jésus a manifesté sur la croix, vivons-le dans notre service. Nous ne sommes pas seuls, le Saint-Esprit nous accompagne, nous illumine et agit en nous. Dieu nous aime, Dieu vous aime, Il compte sur vous. Il vous a confié ses enfants.Mettons notre espoir en lui. En effet, qui ne reconnait pas Dieu comme Père n'a aucune prérogative sur ses enfants, il ne devrait rien dire aux enfants dont on ignore le père.
4. Impliquer tous les partenaires Ă la vie politique du pays
Les chrétiens doivent s'engager pour une nouvelle responsabilité: devenir actif, être adulte dans la foi sans attendre que dans chaque circonstance les autres ou les autorités agissent en notre place. Pas continuer à se lamenter. Nous pouvons déplorer ce qui ne va pas bien, la conflictualité, les erreurs, ... Nous sommes toutefois invités à participer et donner nos propres réponses chacun dans les limites de ses moyens (principe de subsidiarité).
Enfin, le pays a besoin d'un engagement et d'une disposition au renouveau spirituel
Ce pays, pour se propulser en avant sur le plan social, politique et économique, a besoin des hommes vrais, intègres, des hommes et des femmes charitables, libres et forts disposés à offrir leur contribution désintéressée et courageuse pour le renouveau de tout et de tous. Ce n'est pas si facile mais les chrétiens doivent d'abord s'essayer. Il revint aux autres chrétiens de vous aider dans cette mission.
En effet, il n'est pas donner à tous de faire de la politique mais seuls à ceux qui en ont le don. Comme chaque art, la politique à ses artistes et ses artisans; il y aura naturellement aussi des politiciens de métier et le peuple choisit même parmi eux. Ne soyons pas des fonctionnaires en politiques. Il faut un supplément d'âme qui permet d'assumer en pleine responsabilité notre engagement actuel.
Que ce CarĂŞmenous puisse apporte une plus-value dans notre engagement pour un brin derenouveau, de changement du coeur pour mieux servir le peuple de Dieu dans cepays qui a tellement besoin de nous.
Abbé DieudonnéNIYIBIZI.