«Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse» (Mt1,20).
Le CEDICOM continue de nous produire des enseignements sur les figures qui, de manière particulière, préparent la venue du Messie. Dans l'un de nos articles précédents, nous avions cité la Bienheureuse Vierge Marie, cette Fille qui, alors que fiancée à un homme, reçut la visite de l'Ange Gabriel pour lui annoncer qu'elle a été choisie par Dieu pour être la Mère de son Fils, (Luc 1,35). Aujourd'hui, la liturgie de la parole de l'Avent nous invite à considérer le merveilleux exemple de saint Joseph, car rares sont ceux qui entrent dans le mystère de la générosité de cet Homme-là qui sut extraordinairement assumer la responsabilité d'un cas aussi délicat que celui-là de Marie, sa fiancée, la paternité légale de jésus christ. Joseph a accepté de devenir pères d'un enfant dont la mère n'a jamais connu de relations sexuelles avec lui, et c'est cette bravoure va nous entretenir aujourd'hui.
LA BIBLE PARLE TRÈS PEU DE JOSEPH, COMMENT LE CONNAîTRE?
Durant les premiers siècles de l'Église, Joseph est resté dans une totale obscurité. C'est tout d'abord le visage de Marie qui s'est dégagé. Et, pour expliquer la virginité de Marie, l'imagerie populaire nous a montré son époux sous les traits d'un homme pensif, réduit au rôle de faire-valoir de sa sainte épouse. Dans ces conditions, on ne peut que s'étonner des responsabilités exceptionnelles qui ont été confiées à ce juif effacé à l'occasion de l'Incarnation du Fils de Dieu. Curieusement, Luc fait apparaître le nom de Joseph avant celui de Marie, jeune fille à qui il est fiancé.
L'important, dans la vie de Joseph, ce n'est pas tant ce qu'il a fait que ce qu'il a été, et la manière dont il s'est situé face à cette vocation singulière qui fut la sienne. Personnage apparemment ordinaire, il faut le suivre et le regarder vivre humblement à Nazareth, le contempler au sein de sa famille humaine. C'est là que son visage d'homme, d'époux et de père pourra se révéler graduellement à nous. C'est là que, dans la nuit de la foi, l'Esprit Saint nous révélera progressivement «la vérité toute entière». (Rm.5,5).
Il est hors de doute que Joseph, père humain de Jésus, et la Vierge Marie, sa Fiancée, tous deux étaient d'excellentes personnes, qui s'aimaient plus que tout autre couple. Mais, en même temps, il faut reconnaître que le Très-Haut voulut que leur amour conjugal passât par des circonstances très exigeantes. «Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse» (Mt1,20).
UN PARADOXE: DAVID EST CITE DANS LA GENÈSE DE JÉSUS CHRIST VIA JOSEPH...!
Nous lisons dans Jérémie: «Voici venir des jours - oracle du Seigneur -, où je susciterai pour David un Germe juste: il régnera en vrai roi, il agira avec intelligence, il exercera dans le pays le droit et la justice. En ces jours-là , Juda sera sauvé, et Israël habitera en sécurité. Voici le nom qu'on lui donnera: "Le-Seigneur-est-notre-justice"» (Jérémie 23, 5-8).
La promesse tenue se réalisera en Joseph. «Voici comment fut engendré Jésus Christ: Marie, sa mère, avait été accordée en mariage à Joseph; avant qu'ils aient habité ensemble, elle fut enceinte par l'action de l'Esprit Saint. Joseph, son époux, qui était un homme juste, et ne voulait pas la dénoncer publiquement, décida de la renvoyer en secret. Comme il avait formé ce projet, voici que l'ange du Seigneur lui apparut en songe et lui dit: "Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse, puisque l'enfant qui est engendré en elle vient de l'Esprit Saint [...]. Quand Joseph se réveilla, il fit ce que l'ange du Seigneur lui avait prescrit; il prit chez lui son épouse» (Mat.1,18-24).
Le christianisme est la surprise d'un Dieu qui s'est mis du côté de sa créature. De fait, c'est Lui qui prit l'initiative pour venir en ce monde, il n'a pas attendu que nous le méritions. Malgré ça, il propose cette initiative, il ne l'impose pas. Sa vocation de Père de Jésus, Il la proposa à Joseph, tandis que celle de sa Mère, Il la proposa à Marie - mais ne la leur imposa pas! «Lui, qui avait eu le pouvoir de tout créer à partir du néant, refusa de refaire sans le concours de Marie ce qui avait été profané» (Saint Anselme). Mais Dieu ne demande pas seulement notre permission, il veut aussi que nous participions à ses plans, et que cette participation soit héroïque. Et tel fut le cas pour Marie et Joseph. L'Enfant Jésus avait besoin de parents. Mieux, il avait besoin de parents héroïques, qui durent se battre pour défendre la vie du "petit Rédempteur".
JOSEPH ET MARIE NE RÉVÈLENT RIEN DE L'ENFANTEMENT DE JÉSUS
Il est très beau de remarquer que Marie et Joseph n'aient révélé que fort peu de détails de l'enfantement de Jésus. Cet événement aussi emblématique n'est raconté qu'en deux versets (Lc 2,6-7). Ce qui fut en revanche plus diserte c'est la délicatesse de Joseph, son époux, envers elle. Le fait est que «avant qu'ils aient habité ensemble, elle fut enceinte par l'action de l'Esprit Saint» (Mt.1,19), et pour ne pas risquer de ternir sa réputation, Joseph était prêt à disparaître discrètement et à renoncer à son amour (circonstance qui entraînait un certain discrédit social). Ainsi, avant que la loi de la charité n'ait été promulguée, saint Joseph la pratiquait déjà : Marie (et sa juste relation avec elle) fut sa loi.
Joseph ne dit pas un mot, mais il s'exprime autrement: on sent sa présence partout dans les évangiles de l'Enfance, présence discrète, active, vigilante, essentielle, obéissante aux indications de «l'Ange». Ce qui frappe d'abord chez lui, c'est sa simplicité, difficile à comprendre et à intégrer pour nous qui sommes souvent si compliqués. Chez Joseph, tout est simple. Il appartient à cette humanité anonyme qui est la nôtre, il ne cherche pas à «paraître» mais à «être» pleinement ce qu'il est et appelé à être, là où il est, au quotidien. Joseph a entretenu un rapport unique avec son fils. C'est dans ses bras que Jésus apprendra à dire «Papa», «Abba».
Ensuite un bref verset de saint Luc (2,7) résume tout ce que nous savons sur l'événement de la Nativité, à la fois si simple et si prodigieux, que contemple Joseph. «Elle mit au monde son Fils premier-né, l'enveloppa de langes et le coucha dans une crèche.» Alors que rien ne semble le distinguer des autres pères, c'est lui qui tient dans ses bras «Celui que tant de rois et de prophètes ont désiré voir et ne virent point». Étonnant mystère que nous sommes également invités à contempler, c'est en Joseph que «le Père de qui vient toute paternité au ciel et sur la terre» (Ep.3,15) va déposer toute son autorité paternelle.
QUELLE LEÇON POUVONS-NOUS TIRER DE SAINT JOSEPH?
Méconnu, Joseph, ce grand silencieux, ce grand contemplatif, a encore beaucoup à nous apprendre. Dès la Genèse, et bien avant la parole similaire de Marie à Jésus, une parole prophétique a résonné: «Allez à Joseph, et faites tout ce qu'il vous dira!» (Gn.41,55). Puissions-nous à notre tour «Aller à Joseph» pour marcher vers le Père.
1. Joseph est l'intendant de Dieu, le chef et le responsable de la Sainte Famille
Sa vie n'est que renoncement pour que l'Enfant Jésus puisse grandir et prendre sa dimension d'homme. Comme la plupart des pères, Joseph «le charpentier», humble artisan ouvrier du bois, travaille laborieusement pour sa famille. Il montre l'exemple à son fils, et Jésus traduira plus tard cette expérience de la vie, sur la terre comme au ciel: «Mon Père travaille toujours et moi aussi je travaille.» (Jn.5,17).
2. Deux couples éclairent l'intelligence de l'Écriture Sainte
L'un de ces couples, celui d'Adam et Ève, introduit le mal dans le monde, l'autre, celui de Joseph et Marie, est le sommet d'où la sainteté se répand sur la terre (cf. Paul VI aux équipes Notre Dame, le 4 mai 1970). La venue de Jésus et sa lente formation sont liées à Marie et à Joseph, ce couple que nous devons apprendre à ne plus séparer, puisque Dieu l'a uni.
3. Joseph est parfaitement et profondément «père»
- Joseph est père au sens légal d'abord. Jean annonce d'emblée en début de son évangile que le Messie tant attendu: «c'est Jésus, le fils de Joseph, de Nazareth» (Jn.1,45). Chez les juifs c'est le père qui impose le nom. Joseph est devenu légalement le père de Jésus à la circoncision (acte officiel par lequel le père de famille introduisait l'enfant, huit jours après sa naissance, dans l'Alliance d'Israël), ainsi qu'en lui imposant le nom de Jésus («Dieu Sauve»), tel que le lui avait ordonné l'Ange. Joseph a donc assumé officiellement sa paternité légale, et permet par-là à Jésus de porter légitimement le titre prestigieux de «Fils de David» caractérisant le Messie.
- Mais, Joseph est surtout père au sens profondément humain. Jésus, dans ses bras, a appris à l'appeler «Papa». Comme tout jeune garçon, il a dû, pour se construire, s'identifier à son père. C'est à travers Joseph qu'il a découvert un visage d'homme. Comprenons de quel amour Joseph a entouré Marie, sa jeune épouse, et Jésus son fils: c'est lui qui a été chargé de traduire paternellement cet amour du Tout-Puissant pour son Fils, de veiller sur lui, de l'arracher à la mort alors qu'il était menacé.
- Enfin au plan spirituel, Joseph a été pour Jésus enfant le visage du Père éternel. C'est de Joseph que Jésus a reçu, enfant, une double nourriture qui lui a permis de grandir: le pain des hommes, et la parole de Dieu dont le père était chargé dans une famille juive (le père de famille présidait la liturgie familiale qui se composait de louanges et de Psaumes, base de la prière des Juifs). C'est Joseph qui va lui montrer dans l'Écriture le visage de Dieu Père: «Le Seigneur [...] n'est-ce pas lui ton père qui t'as donné la vie ? C'est lui qui t'as fait et qui t'a établi» (Dt.32,6). Toute la vie de Jésus sera tournée vers le Père. On comprend donc pourquoi en s'effaçant ensuite, il nous guide mystérieusement vers la plénitude des temps (Ga 4,4) qui est de donner des fils au Père, et comme Jésus, de pouvoir appeler le Père «Abba».
Tout nous vient par le Christ, mais Jésus nous est donné par le couple indissociable de Joseph et de Marie. Dans la Sainte Famille, tout est échange, communication et communion dans un climat de pauvreté, de silence, d'humble travail, mais aussi de paix, de joie, et d'une étonnante fécondité. C'est dans ce climat que Jésus s'est longuement formé, en compagnie de Marie et Joseph. L'Esprit Saint y agissait à travers des liens humains, conjugaux, et parentaux pour que soit pleinement réalisée l'une des dernières prières du Christ: «Qu'ils soient un, comme toi, Père, tu es en moi et que je suis en toi...» (Jn.17,20). C'est à ce niveau élevé d'union d'amour que se situait la Sainte Famille. Dans la maison de Joseph à Nazareth, Jésus se trouvait dans «la maison du Père». Il en est la «porte» qui nous fera entrer à notre tour dans «le sein du Père».
5. Patron de la «bonne mort»
Joseph s'efface complètement lorsque son fils atteint sa trentième année. En effet, si le centre de la mission de Jésus est de nous révéler le Père, il ne peut y avoir d'équivoque et Joseph doit disparaître pour permettre la révélation du Père éternel. C'est pourquoi la tradition a reconnu en Joseph le «Patron de la Bonne Mort», non seulement parce qu'il semble avoir été prédestiné à préparer les hommes à mourir, mais parce qu'il est l'homme de la mort à soi-même dans les petites choses de la vie humaine, comme à Nazareth, trajet impossible sans cette mort en Jésus qu'a vécue Joseph, cette conversion totale qu'il a dû expérimenter pour être l'époux de Marie et le père de l'Enfant.
Chers frères et soeurs en Jésus Christ, toute l'Histoire de saint Joseph est une marche lente vers cette découverte: le dévoilement progressif de la personne et du rôle de saint Joseph est en corrélation étroite avec le dévoilement du Père éternel. L'un ne va pas sans l'autre. Cette expérience fondamentale d'amour qu'a fait Jésus enfant grâce à Joseph introduit entre le Père éternel et l'humble Joseph des liens étonnants qui constituent un mystère dans lequel nous sommes invités à rentrer.
En nous donnant une leçon de vie familiale et de travail dans le silence, la patience et la confiance, l'ombre protectrice de Joseph et l'engendrement de Jésus devient aussi la condition de notre engendrement spirituel. C'est sous cette «ombre» que le Christ veut nous voir grandir spirituellement avec lui. Comme le Christ qui, dans sa vie terrestre, avait conscience de venir du Père et d'aller au Père (Jn 13,1), nous aussi, pauvres humains, nous pouvons appeler Dieu «notre Père» dans la conscience d'être sortie du Père et de marcher vers Lui (Jn.1,1)!
Michel NIBITANGA, CEDICOM