La religion a tellement pris de l'ampleur dans la vie sociopolitique du pays jusqu'à ce que la Conférence des Évêques Catholiques du Burundi (CECAB) s'en inquiète dans sa lettre du 7 décembre 2018. Dans notre pays, la religion est passée du stade où elle était opium du peuple à un autre où elle est mêlée dans toutes les sauces. Plus de recette sans ingrédient « religion ». Ce qui peut constituer un handicap à la liberté de religion.
1.
Présentation de l'Apostolat Biblique Mukama
Menyekana
Mukama Menyekana,
plus qu'un centre, est un apostolat qui vise le rayonnement des grands axes
théologiques et cherche à les rendre accessibles aux chrétiens. En effet, « Les
fidèles ont le droit de recevoir de la part des Pasteurs sacrés l'aide
provenant des biens spirituels de l'Église, surtout de la parole de Dieu et des
sacrements » ( Canon 213 du
CIC),
L'efficacité
de cet apostolat est facilitée par son enracinement dans les communautés de
base à commencer par la famille. Cet apostolat est soutenu et éclairé par des
chercheurs biblistes et théologiens en particulier ceux qui enseignent dans les
Grands SĂ©minaires de Gitega et Kiryama au Burundi.
Le
rĂ´le du Centre Mukama Menyekana est d'Ă©tablir le pont entre ces chercheurs
théologiens en les mettant ensemble, sur la natte familiale ou sous le
baobab, avec les chrétiens assoiffés d'intelligence des mystères de Dieu. À cet
effet, Mukama Menyekana invite le théologien à imiter Jésus, évangélisateur
itinérant, à s'appliquer à « l'apostolat de l'aller vers » en
rencontrant les chrétiens dans leur milieu de vie et en les préparant à mieux
accueillir la Parole de Dieu en la vivant pleinement dans leur communauté, en
tant que sel et lumière du monde.
Les
rencontres entre spécialistes biblistes ou théologiens se font à l'occasion de
la lecture d'un texte biblique sur la natte familiale, des enseignements en
semaine ou en week-end selon les cas, des semaines bibliques, des conférences,
etc.
Un des fruits
de l'apostolat Mukama Menyekana est la fraternité. « Ijambo ry'Imana
riratuvukanisha ». La Parole de Dieu nous transforme en frères et soeurs
(de JĂ©sus-Christ) pour le Royaume de Dieu. En effet, la personne humaine est
créée à l'image et à la ressemblance de Dieu (Gn1, 27) et elle est sauvée par
son fils Jésus Christ. Par ailleurs, «Dieu ne fait pas acception des personnes » (Ac 10, 34 ; cf. Rm 2, 11; Ga 2, 6; Ep 6, 9), car tous
les hommes ont la même dignité de créature à son image et à sa ressemblance.
L'Incarnation du Fils de Dieu manifeste l'égalité de toutes les personnes quant
à leur dignité : « Il n'y a ni Juif ni Grec, il n'y a ni esclave ni homme
libre, il n'y a ni homme ni femme; car tous vous ne faites qu'un dans le Christ
Jésus » (Ga 3,28 ; cf. Rm 10, 12 ; 1 Co 12, 13; Col 3,
11).
L'Apostolat Mukama
Menyekana participe à la révélation de l'égale dignité de la personne humaine
et des libertés fondamentales qui en découle. En plus, la jouissance des droits
et des libertés fondamentaux dépend entre autres de la formation des bénéficiaires.
2. Liberté
religieuse
Mukama Menyekana aide les fidèles du Christ à la
compréhension de la Bible et de l'Eglise. En conséquence, les chrétiens
catholiques ne sont plus ballotés par des vents inopportuns, par des faux
prophètes et par l'instrumentalisation de la religion par la politique. Celui
qui a vu le Christ sauveur, qui a été illuminé par Jésus Seigneur ne retourne
plus chez Hérode. Il va son chemin comme au temps des rois mages : « Entrant alors dans le logis, ils virent l'enfant avec Marie sa mère, et, se
prosternant, ils lui rendirent hommage;
puis, ouvrant leurs cassettes, ils lui offrirent en présents de l'or, de
l'encens et de la myrrhe. Après quoi, avertis en songe de ne point retourner
chez Hérode, ils prirent une autre route pour rentrer dans leur pays »
(Matthieu 2, 11-12). Par là on comprend mieux la séparation de l'Eglise et de
l'Etat. C'est le « rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce
qui est à Dieu » (Matthieu 22, 21). Cela ne peut se faire que par
une personne libre.
La liberté religieuse « consiste en ce que tous les
hommes doivent ĂŞtre exempts de toute contrainte de la part tant des individus
que des groupes sociaux et de quelque pouvoir humain que ce soit, de telle sorte
qu'en matière religieuse nul ne soit forcé d'agir contre sa conscience ni
empêché d'agir, dans de justes limites, selon sa conscience, en privé comme en
public, seul ou associé à d'autres » (PAUL VI, Dignitatis humanae, Rome, 7 décembre 1965).
La liberté
religieuse est reconnue dans l'ordre juridique burundais. En effet, l'article 1er
de la Constitution dispose, par rapport à la liberté religieuse, que le Burundi
est laïc et respecte sa diversité religieuse. En outre, la loi n° 1/35 du
31/12/2014 portant cadre organique des confessions religieuses a été promulguée pour le bon
fonctionnement des confessions religieuses, pour assurer la jouissance de leur
liberté de religion, de pensée, de conscience et d'opinion (article 31 de la
Constitution), de réunion et d'association avec le droit de fonder des
associations et des organisations (article 32 de la Constitution) dans toute
autonomie.
La jouissance de la liberté religieuse est exigeante
de manière que toute pression de nature psychologique, sociale et culturelle
doit être évitée. Il ne suffit pas qu'elle soit reconnue dans l'ordre juridique
et administratif : « En vertu de leur dignité, tous les hommes, parce
qu'ils sont des personnes, c'est-à -dire doués de raison et de volonté libre,
et, par suite, pourvus d'une responsabilité personnelle, sont pressés, par leur
nature même, et tenus, par obligation morale, à chercher la vérité, celle tout
d'abord qui concerne la religion. Ils sont tenus aussi à adhérer à la vérité dès
qu'ils la connaissent et à régler toute leur vie selon les exigences de cette
vérité. Or, à cette obligation, les hommes ne peuvent satisfaire, d'une manière
conforme à leur propre nature, que s'ils jouissent, outre de la liberté
psychologique, de l'exemption de toute contrainte extérieure. Ce n'est donc pas
sur une disposition subjective de la personne, mais sur sa nature mĂŞme, qu'est
fondé le droit à la liberté religieuse. C'est pourquoi le droit à cette
exemption de toute contrainte persiste en ceux-lĂ mĂŞmes qui ne satisfont pas Ă
l'obligation de chercher la vérité et d'y adhérer ; son exercice ne peut être
entravé, dès lors que demeure sauf un ordre public juste » (PAUL VI, Dignitatis humanae, Rome, 7 décembre 1965).
3. Place
de l'Esprit Saint
L'Esprit
souffle quand il veut et oĂą il veut. Pendant les agapes, Mgr Ngoyagoye Evariste
a fait une confession qui, je l'espère, fera, d'une façon ou d'une autre, partie de ses mémoires. Il avait envoyé deux
prêtres, l'un en Europe et l'autre aux Etats Unis d'Amérique, pour se
spécialiser en sciences bibliques tout en ayant à l'esprit qu'au retour au pays
natal ils seraient chargés de l'apostolat de la Bible dans son diocèse. Ce qui
est sûr, ces enfants du pays ne sont pas sur le terrain là où il les avait préalablement
destinés. Par contre, une soeur des Bene Tereziya partie faire des études
bibliques à l'Université de Fribourg en Suisse est rentrée et est
opérationnelle dans ce secteur combien important de la vie de l'Eglise au
Burundi. Ses enseignements commencent à conquérir le monde en passant par le
Continent africain. Oui, ces paroles de Gamaliel aux
sanhédrites deviennent très compréhensibles : « Hommes d'Israël, prenez bien garde à ce que vous allez
faire à l'égard de ces gens-là . Il y a quelque temps déjà se leva Theudas, qui
se disait quelqu'un et qui rallia environ 400 hommes. Il fut tué, et tous ceux
qui l'avaient suivi se dĂ©bandèrent, et il n'en resta rien. Après lui, Ă
l'époque du recensement, se leva Judas le Galiléen, qui entraîna du monde à sa suite;
il périt, lui aussi, et ceux qui l'avaient suivi furent dispersés. A présent
donc, je vous le dis, ne vous occupez pas de ces gens-lĂ , laissez-les. Car si
leur propos ou leur oeuvre vient des hommes, elle se détruira d'elle-même ; mais
si vraiment elle vient de Dieu, vous
n'arriverez pas à les détruire. Ne
risquez pas de vous trouver en guerre contre Dieu » (Ac 5, 35-39).
A
ce propos justement, après la communion lors de la messe d'action de grâce du
13 juin 2019 Ă la paroisse Saint Jean Baptiste de Gihosha, la brave soeur devait
témoigner sur son apostolat. Elle a choisi quatre personnes pour l'accompagner
et donner brièvement leurs témoignages sur leur apostolat Mukama Menyekana. Ils
étaient de tout âge : un officier militaire en retraite, une enseignante
en retraite, un jeune homme, une jeune fille et une enfant. Ce qui a énervé le
sacristain principal. Il voulait les en empêcher alors que les fidèles et les
prêtres qui étaient là étaient tout oreille. Le témoignage a pourtant été très
riche et mouvant et le groupe a été ovationné.
En
effet, Soeur Kayandakazi Marie Lucie est docteur en sciences bibliques. La
loi de l'Eglise en son Canon 218
stipule que « Ceux qui s'adonnent aux disciplines sacrées jouissent d'une
juste liberté de recherche comme aussi d'expression prudente de leur opinion
dans les matières où ils sont compétents, en gardant le respect dû au magistère
de l'Église ». En plus, étant membre d'un institut religieux de surcroit
de droit pontifical, elle est habilité à enseigner la parole de Dieu :
« Les membres des instituts de vie consacrée, en vertu de leur propre
consécration à Dieu, rendent témoignage à l'Évangile d'une manière
particulière; et ils seront choisis de manière opportune par l'Évêque comme
aides pour annoncer l'Évangile » (Canon 758 du CIC).
En conclusion, la liberté religieuse est une liberté qui comprend
en elle plusieurs autres libertés dont la liberté d'expression, la liberté
d'opinion, la liberté de réunion, la liberté d'association, la liberté
d'enseigner et de s'organiser, l'autonomie, etc. Je terminerais par cette
exhortation : laissez les gens parler, laissez les gens entreprendre, laissez
les gens prier, laisser les gens enseigner la parole de Dieu,? dans la limite
du droit objectif et de la conscience de tout un chacun, tout en ayant Ă
l'esprit que la loi suprême est le salut des âmes.
NTSIMBIYABANDI LĂ©once