Le pape François vient d'achever son 35ème voyage apostolique à l'étranger. Entre le 02 et le 06 Décembre 2021, il a effectué un voyage apostolique à Chypre et en Grèce, ce voyage de quatre jours passés dans ces périphéries de la Méditerranée et qui était axé sur la cause des migrants.
Ce Pontife a commencé son périple méditerranéen par l’Île de Chypre où il est resté 48 heures, puis s’est envolé pour la Grèce, atterrissant à Athènes. Accueilli à Chypre, il s’est rendu à la cathédrale maronite Notre-Dame-des-Grâces, à Nicosie, pour son premier discours destiné aux prêtres, aux religieux et aux religieuses, ainsi qu'aux diacres, aux catéchistes, aux associations et aux mouvements ecclésiaux de Chypre.
Il a exprimé sa joie «de visiter
cette terre, en marchant comme pèlerin sur les traces du grand Apôtre Barnabé»,
fils de ce peuple, «disciple amoureux de Jésus, intrépide annonciateur de
l’Évangile». Le pape François a déclaré à son auditoire: «Je vous regarde et je
vois la richesse de votre diversité. En effet, une belle "macédoine"! Vous êtes
tous différents».
Soulignant que l’Église à Chypre «a ses bras ouverts: elle accueille, elle intègre, elle accompagne», le pape a constaté que «c’est un message important pour l’Église dans toute l’Europe, marquée par la crise de la foi». Il a invité les prêtres à être «patients avec les fidèles, toujours prêts à les encourager, ministres inlassables du pardon et de la miséricorde de Dieu» pour conclure: «Jamais des juges rigoureux, mais toujours des pères aimants».
La deuxième journée de son voyage Ã
Chypre a été marquée par des déclarations détonantes sur la question des
migrants, mais aussi des paroles très fortes du patriarche Orthodoxe de Chypre
sur la Turquie. «Nous nous plaignons lorsque nous lisons les histoires des
camps du siècle dernier, ceux des nazis, ceux de Staline […]. Cela se produit
aujourd’hui sur des rivages tout proches».
Cette deuxième journée chypriote du
pape s’est conclue sur ces mots très forts du Pontife, comparant certains camps
de migrants à des camps de concentration, dans un discours largement improvisé
à Nicosie, devant des réfugiés chrétiens. Le Pape n’a pas mâché ses mots en
visant les «tortures» infligées aux migrants, et les «fils barbelés» qui
expriment de la «haine».
Dans la petite église Sainte-Croix
de la capitale, située sur la ligne verte de Chypre, à deux pas de la haute
muraille de pierre séparant le territoire grec et le territoire turc depuis
1974, le pape a aussi médité sur le «rêve de Dieu», celui «d’une humanité sans
murs de séparation, libérée de l’inimitié, avec non plus des étrangers mais seulement
des concitoyens».
«Dieu nous parle à travers vos
rêves», a-t-il ajouté à l’attention des migrants qui participaient à ce temps
de prière œcuménique, au milieu de l’assemblée de 250 personnes, catholiques,
orthodoxes, ou encore évangéliques. C’est d’ailleurs sous le signe du dialogue
entre chrétiens qu’avait débuté cette journée, puisque le chef de l’Église
Catholique a été reçu tôt le matin par l’Archevêque Orthodoxe de Chypre,
Chrysostome-II.
Cette rencontre s’est poursuivie
dans la Cathédrale Orthodoxe de la ville, avec le Saint-Synode chypriote. Dans
des propos très engagés, le chef Orthodoxe y a dénoncé «un plan de nettoyage
ethnique» de la Turquie, demandant l’aide de l’évêque de Rome pour récupérer
des biens culturels religieux perdus après l’invasion turque de 1974.
Le pape François, qui avait évoqué
ce sujet délicat la veille, a quant à lui plaidé pour une véritable écoute
entre confessions chrétiennes, demandant à ses «chers frères» d’aider les
Catholiques à mieux vivre la dimension synodale de l’Église.
Au cours de cette matinée chargée,
le pontife argentin a célébré une messe au stade de Nicosie, pris d’assaut par
10.000 fidèles, dont de très nombreux Libanais venus pour l’occasion, arborant
fièrement leurs drapeaux dans les gradins. Là encore, le pape François a appelé
la petite communauté Catholique de l’île, aux origines très diverses, à l’unité.
«Si nous restons divisés entre
nous, si chacun ne pense qu’à lui-même ou à son groupe, si nous ne nous
rassemblons pas, nous ne dialoguons pas, nous ne marchons pas ensemble, nous ne
pourrons pas guérir pleinement de nos aveuglements» a-t-il averti. «La guérison
se produit lorsque nous faisons face Ã
nos problèmes ensemble», a-t-il ajouté, mettant en garde contre l’illusion du
péché qui «nous fait voir Dieu comme un patron et les autres comme des
problèmes».
Après Chypre, le pape François est
arrivé en Grèce le 4 Décembre dans un climat peu chaleureux. Pas de délégation
de fidèles à l’aéroport, ni chant ni applaudissements à l’arrivée du Pape
François sur le tarmac. Pas non plus de signes de la visite du Pape dans les
rues, hormis les routes bloquées sur le passage de la Fiat 500 du chef de
l’Église.
L’accueil réservé au Pape François par
la Grèce Orthodoxe était digne, mais relativement froid. D’ailleurs, un incident
a failli perturber la rencontre du Pontife avec l’Archevêque Orthodoxe
d’Athènes Hiéronymus-II, quand il a atterri à Athènes en provenance de Chypre.
Dans l’après-midi, pendant que le Pape
s’accueillait par son hôte devant les grilles de la villa, à sa descente de
voiture, tandis qu’il gravissait les marches du perron, un prêtre orthodoxe
âgé, au milieu des journalistes, s’est mis brusquement à hurler en grec «Pape,
tu es hérétique!». Mais le moment d’embarras n’a cependant duré que quelques
secondes, car le contestataire a été rapidement maîtrisé par les forces de
l’ordre.
Le «pardon» à ses frères Orthodoxes, c’était le grand thème sur lequel le pape François était attendu. Dans la Salle du Trône richement décorée d’icônes, il a demandé pardon à l’Église Orthodoxe «pour les erreurs commises par beaucoup de Catholiques».
La démarche de
repentance du pape argentin, 20 ans après celle de Jean Paul II, a semblé faire
écho au discours de Hiéronymus II qui, quelques minutes plus tôt, lui avait
demandé d’avoir le courage et l’honnêteté de considérer les signes manquants et
les omissions de ses prédécesseurs. Les Grecs reprochent notamment à Rome de
n’avoir pas soutenu leur mouvement de résistance civile et civique sous
l’emprise ottomane en 1821.
Dans son odyssée en terres
orthodoxes, François a tendu une main aux Orthodoxes dans une atmosphère
quelque peu austère. Entre Rome et l’Église Orthodoxe grecque, les blessures du
passé sont encore vives et elles se sont encore fait entendre, jusqu’aux marches
de l’archevêché Orthodoxe.
La Grèce Orthodoxe a accueilli le
pape froidement. Alors que le Pape s’apprêtait à gravir le perron pour
rejoindre Hiéronymus-II, un prêtre Orthodoxe âgé a hurlé «Pape hérétique!»,
avant d’être exfiltré. L’événement pourrait sembler anecdotique si la fraîcheur
de l’accueil du pape par les Orthodoxes ne s’était ressentie tout au long de
son séjour.
Même le discours de l’Archevêque
d’Athènes a laissé entrevoir la distance qu’il reste encore à parcourir pour
retrouver l’unité entre les deux Églises. Il a précisé que le Pape avait été
invité par la République grecque, et non par l’Église Orthodoxe.
Le pape François a demandé pardon
et exprimé sa honte, au nom de l’Église Catholique, pour les «erreurs» du
passé. Peu après, il a demandé de l’aide aux Orthodoxes, alors que l’Église
catholique vient d’entamer son vaste Synode sur la synodalité. «Nous avons le
sentiment d’avoir beaucoup à apprendre de vous», a-t-il assuré.
Le pape François a quitté la Grèce
lundi, en bénissant la nation grecque, achevant une visite historique sur l'île
de Lesbos, marquée par son appel vibrant en faveur d'une meilleure intégration
des migrants en Europe, thème central de son pontificat. La veille, sur l'île
de Lesbos, François, ardent défenseur de la cause des migrants, avait appelé Ã
mettre fin à un «naufrage de civilisation» dans un vibrant discours au camp de
Mavrovouni.
Sur le tarmac, avant de décoller
pour Rome, il a remercié la présidente Katerina Sakellaropoulou et l'ensemble
du peuple grec pour leur «gracieuse hospitalité», avant d'invoquer «la bénédiction
de Dieu sur la Nation». Lundi, après une dernière rencontre avec des jeunes
dans une école Catholique, il quittera Athènes en fin de matinée, pour rentrer
à Rome.
Si le Pape François est en train de
défendre la cause des migrants, qu’il soit entendu que lui-même est issu d'une
famille de migrants: son père, venu du Piémont, est arrivé en Argentine en
1927, ou plus probablement début 1929 (les biographes ne s'accordant pas sur la
date exacte de cette immigration), et sa mère, Regina MarÃa Sivori, née en
Argentine, est fille d'immigrés italiens venant de Ligurie.
Signalons que depuis le Schisme de
1054, le déplacement historique de Jean-Paul-II en Grèce fut le premier, il y a
vingt ans. Depuis lors, les lignes bougent, mais lentement. L’autre voyage d’un
pape à Chypre, qui fut d’ailleurs le précédent à celui du Pape François, remonte
à Benoit XVI, en Juin 2010.
Michel Nibitanga, CEDICOM