Le Vendredi 18 Mars 2022, les Etudiants de l’Université du Burundi étaient des invités favoris de la Commission
Vérité et Réconciliation (CVR), quand le Président de cette Commission animait
une conférence qu’elle avait organisée à l’intention de la communauté estudiantine
et du personnel de cette Université. Cette Conférence s’est tenue dans l’une
des amphithéâtres de la Faculté des Sciences Economiques et de Gestion, au campus
Mutanga.
L’animation de ladite Conférence a
consisté en la présentation, par le Président de la CVR-Burundi lui-même, la
mission de cette Commission, ses activités, les résultats déjà obtenus et les
perspectives d’avenir. Ambassadeur Pierre Claver Ndayicariye, Président de la
CVR, a indiqué aux participants à cette réunion que c’était un grand honneur de
s’adresser à eux face-à -face, car auparavant ils ne suivaient que de telles
informations via les medias. Et il a expliqué la raison de la présence
effective de la CVR parmi dans le milieu universitaire.
Il a signalé: «Nous rencontrons des étudiants des universités parce, dans la mesure où ce sont eux qui vont diriger le Burundi dans les années à venir, nous estimons qu’ils ont besoin de connaître la vérité dorénavant cachée pendant une cinquantaine d’années concernant l’histoire réelle du pays.»
Il a affirmé que durant toutes ces années, personne ne pouvait oser parler notamment de l’existence des fosse communes contenant des ossements des victimes des massacres massifs commis depuis les années 1972, et qu’ils ont besoin d’une préparation mentale d’un mode de gouvernance promouvant les valeurs de vérité et réconciliation et exempt de violences semblables à celles observées au cours de l’histoire.
Il a ajouté qu’aucun livre d’histoire n’a jamais parlé des cas de personnes massivement tuées et jetées dans des fosses communes, alors que des veuves et des orphelins de ces violences traînaient cette douleur et cette souffrance depuis 50 ans sans qu’ils aient droit d’être soulagés moralement.
Il a qualifié toute l’histoire antérieure de «Mensonge d’Etat» et «Mensonge communautaire» qui a gardé les
citoyens dans une myopie sociale et politique. «Nous voulons que le Burundi
aujourd’hui et de demain découvre cette horreur, tout en essayant d’édifier une
société réconciliée, qui commence par la connaissance de la vérité pour ensuite
mettre en place des mécanismes de garantie de non-répétition», a-t-il annocé.
Le Président de la CVR a interpellé
les étudiants d’être des messagers de la
paix, de la vérité et de la réconciliation nationale, et surtout de s’attendre
à une histoire réécrite. Cette phase d’animation a été suivie de la projection
d’un film documentaire sur les enquêtes faites sur les des massacres massifs
commis dans les années 1972. La conférence s’est clôturée sur un moment
d’échanges entre les participants et les membres de la Commission.
Effectivement, une société
réconciliée et des mécanismes de garantie de non-répétition ou de règlement de
comptes entre les familles des victimes et celles des bourreaux, c’est surtout
cela qui a été au centre des préoccupations des étudiants, du moins ceux qui
ont accepté de s’entretenir avec des journalistes dans des interviews.
On pouvait les entendre dire: «Tout
ce que nous demandons à la CVR est de veiller à puiser toute la vérité attendu,
touchant toutes les épisodes de l’histoire sombre du pays, allant des massacres
de l’an 1972 jusqu’à l’an 2008, et cela sans aucun penchant, pour établir
l’équilibre dans des enquêtes, trouver une information moins contestée, et
arriver à asseoir une nation réconciliée où des générations actuelles et
futures se diront pour toujours "Plus jamais ça!"»
La Commission Vérité et
Réconciliation (CVR) est consécutive aux situations de troubles que le Burundi
a connues à différentes épisodes, dont celles de 1965, 1969, 1971, 1972, 1988,
1991 et 1993, cette dernière étant la plus longue et la plus meurtrière que le
Burundi ait jamais connue. L'idée de la mise en place de la CVR relève des
accords d'Arusha, en 2002, sous l'inspiration des expériences des autres pays
qui ont eu à solder un passé de violations massives des Droits de l’Homme pour
construire un avenir meilleur.
Le point de départ était la Résolution N°S/R/1606/2005 du 20/06/2005 du Conseil de Sécurité de l’ONU qui proposait au Burundi la création de deux organes de Justice Transitionnelle, à savoir: une Commission Vérité et Réconciliation chargée d’établir les faits relatifs aux crimes commis liés à la crise, sans compétences juridictionnelles, et une Chambre spéciale intégrée au système judiciaire classique burundais qui serait appelée à connaître de ces crimes.
Alors que la période qui avait été retenue est celle qui va de l’indépendance du Burundi, en 1962, jusqu’à la date où le dernier mouvement armé a rejoint le processus de paix, le 04 Décembre 2008, c'est en date du 13 Juin 2011 que le Gouvernement a sorti le Décret n°100/152 portant création et nomination des membres du Comité Technique chargé de la préparation de la mise en place des mécanismes de justice transitionnelle, comité dont la composition a été modifiée par un autre Décret n°100/198 du 07/07/2011.
L’une des missions de ce comité était d’élaborer un avant-projet de loi sur la Commission Vérité et Réconciliation, dans le but de vider le contentieux auquel le pays faisait face suite aux crises violentes cycliques qui l’ont secoué depuis son indépendance jusqu’à nos jours, et cela de manière à garantir la vie en paix et la réconciliation du peuple burundais.
La loi portant Création, Mandat, Composition, Organisation et Fonctionnement de la Commission Vérité et Réconciliation (CVR) a été adoptée le jeudi 17 Avril 2014 au cours de la séance plénière de l’Assemblée Nationale du Burundi.
Une fois cette Commission mise en
place, il lui a été demandé d’assurer le Droit de savoir des victimes et de
toute la communauté, le Droit des victimes à l’écoute et à la reconnaissance
publique de leur souffrance, le Droit à la réparation, le devoir de mémoire et
la réécriture de l’histoire, la consolidation du «vouloir vivre ensemble» et la
réconciliation nationale.
Les résultats des travaux de la CVR
déjà mis à jour sont ceux des enquêtes sur les massacres massifs des années 1972.
Toutefois, il a déjà été communiqué que d’ici quelques semaines, l’opinion
publique peut s’attendre aussi au début des enquêtes sur les massacres de l’an 1988,
dites de «Ntega et Marangara» en provinces respectives de Kirundo et Ngozi,
avant d’entamer les crimes commis durant la guerre civile de 1993 jusqu’en 2008,
quand le dernier mouvement des combattants déposait les armes pour rejoindre la
table des négociations et l’intégration aux forces régulières.
Michel Nibitanga, CEDICOM