À
l’occasion de la commémoration du 60ème anniversaire de l'établissement des
relations diplomatiques entre le Saint Siege et la République du Burundi et de
la création de la Nonciature Apostolique au Burundi, le Vendredi 10 Février
2023, la Nonciature Apostolique au Burundi, conjointement avec le Ministère
Burundais des Affaires étrangères et de la Coopération internationale ont
organisé célébration festive sous le thème de l'anniversaire: «Soixante ans de
valeurs et de vision partagée».
Trois
événements principaux ont marqué cette date de commémoration: une
conférence-débat (dans laquelle seront spécialement mis en lumière des liens
particuliers qui unissent les deux entités), la célébration Eucharistique, et
une agape fraternelle, au cours de laquelle des hymnes nationales ont retenti
et un chant de l’anniversaire présenté par une chorale de la Nonciature.
La
conférence-débat a été animée par deux hautes personnalités, toutes burundaises,
reconnues pour leur expérience, l’un dans le domaine de coopération
internationale, S.E Ambassadeur Laurent Kavakure, ancien Ministre des Affaires
étrangères et de la Coopération internationale, et l’autre sur l’histoire de
l’Eglise Catholique du Burundi, Frère Emmanuel Ntakarutimana, ancien Directeur
du Bureau d'Evangélisation et Président de la Commission Nationale Indépendante
des Droits de l'Homme (CNIDH).
S.E
Ambassadeur Laurent Kavakure a présenté sa conférence sur la lecture
rétrospective de la présence de l’Eglise Catholique au Burundi, donc les valeurs
et la vision partagée par les deux Etats sous l’angle historique. Sa
présentation s’intitule: «Historique des relations entre le Burundi et le Saint
Siège.»
Au
premier abord, il a présenté l’Eglise Catholique comme une vieille institution
alliée au pouvoir depuis l’époque coloniale, insistant sur le rôle de
médiateurs des premiers Missionnaires de notre Dame d’Afrique, connus sous le
nom de «Pères Blancs Missionnaires d’Afrique», par leur arrivée au Burundi et
dans la «traitée de Kiganda» pour que les guerres de conquête coloniale
prennent fin, de l’érection de la Nonciature apostolique au Burundi.
Il
a aussi parlé des violations graves des droits de l’Homme subies par les
fidèles de l’Eglise pendant la première République du Président Michel
Micombero (des prêtres et des religieux victimes), et surtout de la persécution
de l’Eglise pendant la deuxième République, sous l’égide du Président Jean
Baptiste Bagaza, qui a même tenté fermer l’Eglise au Burundi, sans oublier
l’assassinat, en date du 29 Décembre 2003, du Nonce Apostolique du nom de S.E
Mgr Michael Aidan Courtney, un évêque de nationalité Irlandaise assassiné dans
la localité de Minago, par des groupes à mains armées, jusqu’ici non encore
identifiés.
Ce
conférencier a continué sa présentation sur la normalisation des relations
diplomatiques avec le Saint Siège depuis la troisième République, à l’ère du
Président Pierre Buyoya, jusqu’à nos jours, sans oublier des visites
bilatérales des différents chefs d’états qui se sont succédés au pouvoir et l’accueil
au Burundi, en Septembre 1990, de Sa sainteté le pape Jean Paul-II.
Il
a signalé le rayonnement fructueux observé depuis la fin de la guerre civile au
Burundi, insistant sur la visite fructueuse de l’Ex-Président de la République,
Feu S.E Pierre Nkurunziza pour la signature de l’accord-cadre entre le Saint
Siège et le Burundi, le 06 Novembre 2012, le second chef d’Etat Burundais reçu
au Vatican après le roi Mwambutsa, en Décembre 1962.
Il
a signalé que le Burundi est devenu le 3ème état africain Ã
signer l’accord cadre avec le Saint Siège, après le Gabon et le Mozambique, et
le 44ème pays au niveau mondial (sans parler des visites, des
passages et des contacts au niveau ministériel).
Dans
l’actualité, il a évoqué la nomination du nouveau Nonce Apostolique au Burundi,
S.E Mgr Dieudonné Datonou, en date du 07 Octobre 2021, et de son accréditation
au Burundi (présentation de la lettre d’accréditation en date du 1er Février
2022), et enfin de la visite du Président actuel de la République, S.E Evariste
Ndayishimiye.
Et
d’assurer pour conclure: «Depuis 60 ans, les Relations entre le Saint Siège et
l’Etat du Burundi sont au beau-fixe; les valeurs et la vision sont partagées
dans le fond, des valeurs de paix et de fraternité que professe l’Evangile,
bien que certains régimes les ont bafoués sérieusement!»
Quant
à Frère Emmanuel Ntakarutimana, il a présenté sa conférence en mettant un
accent surtout sur les réalisations fructueuses de l’Eglise Catholique durant
cette période de 60 ans, afin que l’opinion soit désillusionnée de la situation
pouvant paraître, à tort, comme négative, alors qu’il n’en est pas le cas. Il a
dit: «Même ceux qui font la critique ont été instruits par cette même Eglise.»
En
effet, il a partagé quelques réflexions sur trois points: L’Église Catholique
sur le terrain du développement intégral au Burundi, le temps d’épreuves et de
purification sous les coups de la deuxième République, la prise en compte (en
collaboration avec des institutions spécialisées de l’Etat et d’autres
partenaires) de la question de la gestion des mémoires pour ouvrir les voies Ã
la réconciliation, en ayant en conscience des situations graves qu’il y a eu
dans ce pays, avec des blessures profondes au niveau des cœurs et au niveau des
mémoires.
Il
a assuré que le travail d’Évangélisation qu’il y a eu durant cette période de
60 ans, passait aussi par le développement intégral de la personne humaine.
S’il y a eu des manquements durant la période coloniale, pour lui,
l’évangélisation à l’époque coloniale s’est heurtée aux avatars et aux
difficultés identitaires qu’il y avait eu.
Il
a indiqué qu’avec cette Évangélisation, que ce soit à ses débuts ou pendant les
périodes quoi ont suivi, on trouve que l’Eglise s’est impliquée dans ce
développement. Il a donné quelques exemples de secteurs de développement du
pays, en signalant que c’est par cette Eglise que l’éducation de base a pu être
assurée, sans négliger l’éducation non formelle connue sous la désignation de
«Yaga Mukama» pour assurer l’alphabétisation les enfants non scolarisés et
ainsi lutter contre l’ignorance.
Dans
le cadre de la formation parascolaire, l’église s’est impliquée en alimentant
les centres de formation rurale professionnelle et artisanale en vue de
l’acquisition d’habiletés spécifiques comme facteur de valorisation de
l’exploitation et de la production dans le secteur du développement rural. On
se souviendra des foyers sociaux à travers tout le pays pour la promotion de la
fille et de la femme burundaise. Aussi, des questions sanitaires et de
promotion au développement pour avoir une incidence sur la protection de
l’enfance.
Dans
le secteur de l’Enseignement Primaire et Secondaire, des écoles furent
déployées dans les diocèses et paroisses du pays, et c’est dans ce secteur que
l’Eglise Catholique s’est impliquée aux différents niveaux de l’Enseignement.
L’on notera ici des Ecoles sous convention catholique, pour ne pas se limiter
seulement aux Séminaires. De même, des centres de santé et des hôpitaux ont été
construites.
Ces
points de réflexion ont été enrichis par les questions-débats des participants,
dont une attention particulière qui mérite un certain soulignement est celle
qui se rapporte à l’intervention de S.E Mgr Stanislas Kaburungu, Évêque émérite
de Ngozi, pris par la plupart pour une Bibliothèque intellectuelle de l’Eglise
du Burundi, compte tenu de ce qu’il connaît d’elle.
Il
a interpellé la conscience des participants de se souvenir que le développement
du pays a été opéré, non pas seulement par le Gouvernement, mais également et
dans une mesure large par l’Eglise. Il a rehaussé le débat par ces mots: «Presque
toutes les premières écoles sont le fruit de l’Eglise Catholique; c’est l’église
qui a formé les leaders intellectuels de l’époque de l’indépendance; c’est l’Eglise
qui a préparé l’indépendance du Burundi».
Dans
les discours de circonstance, le Président de la République du Burundi, S.E
Evariste Ndayishimiye, au nom de la Nation, a indiqué que le peuple burundais a
toujours manifesté avec évidence un sentiment bienveillant vis-à -vis de l’Eglise
Catholique.
Il
a ajouté que, par ailleurs, la genèse des relations diplomatiques qui se célébraient
en ce jour, et qui remontent du lendemain de l’indépendance du Burundi, est la
manifestation de cette intérêt traduit à travers la visite du roi Mwambutsa-IV
Bangiricenge au Vatican, en Décembre 1962, sous l’invitation du St Pape
Jean-XXIII. Il a signalé qu’en moins de deux mois de cette visite, les
relations se sont par la suite matérialisées par la création de la Nonciature
Apostolique au Burundi, le 11 Février 1963.
Il
a poursuivi: «Les relations entre le Burundi et le Vatican ont toujours été entretenues
par des visites mutuelles, notamment des visites des chefs d’Etat burundais au
Vatican, y compris ma visite au mois de mars 2022, et nous gardons un souvenir ému
de la visite historique du pape Jean Paul-II effectuée au Burundi du 07 au 09
Septembre 1990, et nous attendons avec patience celle du Pape François promise
pour cette année.»
Il a
par ailleurs réitéré la volonté politique d’engager des enquêtes sérieuses, par
la Commission Vérité et Réconciliation (CVR) sur l’assassinat du Nonce
Apostolique de S.E Mgr Michael Aidan Courtney, et soutenir la Nonciature dans l’édification
d’un mémorial pour honorer et garder l’héritage de cet illustre disparu qui
avait sacrifié sa vie pour la paix dans ce pays. Il a aussi rappelé un projet
proposé par l’Eglise, consistant à la construction d’une Basilique au
sanctuaire Marial de Mugera pour faciliter la commémoration de la consécration
du Burundi à la Vierge Marie.
Du côté
de la représentation du Saint Siège, le Nonce Apostolique a salué l’engagement
franc de l’Etat du Burundi dans les préparatifs de cet anniversaire, et a
exprimé sa gratitude pour le haut niveau de sa représentation à cette cérémonie,
ce qui, selon lui, reflète éloquemment l’excellence des relations entre ce pays
et le Saint Siège.
Il
a déclaré que les 60 ans de relations diplomatiques entre le Burundi et le
Saint Siège et de création de la Nonciature apostolique en ce pays se sont
donc: «60 ans de solidarité promue en faveur des plus démunis, 60 ans d’efforts
en vue de la consolidation de la paix en ce pays et dans la région, 60 ans de
protection de la vie et de promotion d’une fraternité à toute épreuve.» Qu’il y
ait eu des imperfections, il a rassuré qu’elles ne devraient pas être de nature
à oblitérer ce qui a été construit de grand et de beau.
Les
festivités se sont clôturées sur une veillée somptueuse d’échange d’un verre de
fraternité à la Nonciature sis à Rohero, au cours de laquelle il y a d’ailleurs
eu inauguration d’un musée de la Nonciature et exposition des objets
symboliques des relations diplomatiques entre le Saint Siège et La République du
Burundi.
Michel
Nibitanga, CEDICOM