Depuis la démission du
Premier ministre Haïti, Ariel Henry, le Lundi 11 Mars 2024, et que le Conseil
Présidentiel qui devait assurer la transition politique dans ce pays tarde à se
mettre en place, les évêques Catholiques haïtiens, dans un communiqué publié Lundi 18 Mars 2024, ont
appelé à ne pas alimenter la violence qui continue à gangréner la capitale de
Port-au-Prince.
Les évêques haïtiens ne participeront pas à la transition politique
Encourageant les «efforts de
tous les secteurs et de toutes les forces vices de la Nation», ces évêques ont
affirmé qu'ils n'enverront pas, pour leur part, de représentants de l'Église Catholique
au Conseil présidentiel, qu’ils n’ont mandaté personne pour représenter
l’Église Catholique dans les institutions de transition. Ils ont plutôt appelé
à mettre fin aux «actes violents qui engendrent de nombreuses souffrances».
L'Église haïtienne justifie
sa décision de se tenir en retrait par la nécessité de «garder la distance
morale qui lui permet de remplir sa mission prophétique». Les évêques
souhaitent néanmoins que «les pourparlers en cours débouchent sur une véritable
entente patriotique inclusive et durable dans l’intérêt de tout le peuple
haïtien».
Dangers et crimes à des niveaux record en Haïti
Les Haïtiens vivent actuellement
dans un climat de danger jamais connu, a déjà alerté l'ONU, indiquant que ces
derniers font face aux gangs qui étendent leur emprise et leurs «nouveaux
records» de crimes majeurs. Ils avaient appelé au déploiement d'une force
internationale «tant qu'il est encore temps.»
«Malheureusement, la
situation sécuritaire sur le terrain continue de se détériorer, la violence
grandissante des gangs a plongé la vie des Haïtiens dans le chaos et les crimes
graves ont augmenté nettement, atteignant de nouveaux records», avait déclaré
devant le Conseil de sécurité de l'ONU, Maria Isabel Salvador, représentante
des Nations Unies dans le pays pauvre des Caraïbes.
Selon un rapport sur Haïti
du Secrétaire Général de l'ONU, les infractions majeures, y compris les
homicides volontaires et les enlèvements, ont connu une augmentation sans
précédent, principalement dans les départements de l'Ouest et de l'Artibonite.
Selon un autre rapport des
experts de l'ONU chargés de surveiller le régime de sanctions visant pour
l'instant à un seul chef de gang, 2 millions de personnes vivent sous le
contrôle des gangs, dont 1,6 million de femmes et d'enfants, a souligné la
patronne de l'UNICEF, Catherine Russell. Ces groupes armés contrôlent 80% de la
zone métropolitaine de Port-au-Prince, et les 20% restants ne sont pas non plus
à l'abri de leurs incursions. Ils contrôlent aussi les routes menant à la
capitale. Grâce au trafic d'armes, ces gangs sont mieux armés que la police
haïtienne, dépassée.
En attendant une éventuelle transition politique, la violence se
poursuit
En raison de l'insécurité,
l’aéroport et le port de Port-au-Prince ont été fermés, rendant difficile l’acheminement
de l’aide humanitaire. D'après le Programme alimentaire mondial, 44% de la
population haïtienne se trouve dans une situation d'insécurité alimentaire
aiguë. La situation en Haïti est «horrible» et «presque sortie d'une scène de
“Mad Max“», a affirmé dimanche la directrice exécutive de l'Unicef, Catherine
Russell, à la chaîne américaine CBS.
La vie des Haïtiens se
trouve aujourd'hui suspendue à cette éventuelle transition politique. Pour le
moment, en effet, le Conseil présidentiel, imaginé en Jamaïque lors d'une
réunion d'urgence en présence de représentants haïtiens, de la Communauté des
Caraïbes (Caricom), de l'ONU et de plusieurs pays, n'est pas formé. Ce Conseil
sera chargé d'assurer la transition politique en Haïti, après la démission du
Premier ministre Ariel Henry. Il devrait être composé des différentes forces
politiques du pays mais également de la société civile.
Si plusieurs partis ont
indiqué le nom de leur représentant, les membres du collectif du 21 Décembre -le
groupe qui a soutenu l'ex-Premier ministre Ariel Henry- n'ont pas pu se mettre
d'accord sur un représentant unique et en ont désigné trois. Une médiation est
encore en cours pour trouver un candidat de consensus.
En attendant, la violence se
poursuit dans les départements de l'Ouest, malgré l'état d'urgence décrété le 3
Mars dernier. Une quinzaine de corps sans vie ont été retrouvés ce lundi Ã
Pétion-Ville, une banlieue aisée de Port-au-Prince où des membres de gang
mènent des attaques depuis l'aube, rapporte l'AFP. 80% de la capitale est aujourd'hui sous
contrôle de gangs, qui sont accusés de nombreuses exactions, en particulier
meurtres et enlèvements contre rançon.
Appel à la paix et rêve d'un pays sans violence
Dans leur communiqué, les
évêques haïtiens appellent à «cesser les actes qui visent à réduire Haïti en
ruines et en cendres». Une exhortation adressée à chaque citoyen: «Nous
invitons tous les Haïtiens sans distinction à ne pas alimenter la violence,
car “la violence engendre la violence,
la haine engendre plus de haine et la mort plus de mort“».
Les 10 évêques restent portés par l'espérance, comme en témoigne l'intitulé de leur message: «On n’entendra plus parler de violence dans ton pays, de ravages ni de ruines dans tes frontières», tirée du livre d’Isaïe (Isaïe 60,18).
Dimanche dernier, le Pape
partageait leur «rêve d'un pays sans violence» lors de l’Angélus. Il sera
soutenu par les prières de tout un continent, puisque les fidèles d'Amérique
latine et des Caraïbes sont appelés à prier pour Haïti le 22 Mars prochain.