Chers frères et sœurs !
La
Journée mondiale de Prière pour les Vocations nous invite, chaque année, à
considérer le don précieux de l’appel que le Seigneur adresse à chacun de nous,
son peuple fidèle en chemin, pour que nous puissions prendre part à son projet
d’amour et incarner la beauté de l’Évangile dans les différents états de vie.
Écouter l’appel divin, c’est loin
d’être un devoir imposé de l’extérieur, peut-être au nom d’un idéal
religieux ; c’est au contraire la manière la plus sûre que nous ayons
d’alimenter le désir de bonheur que nous portons en nous: notre vie se réalise
et s’accomplit quand nous découvrons qui nous sommes, quelles sont nos
qualités, dans quel domaine nous pouvons les mettre à profit, quelle route nous
pouvons parcourir pour devenir signe et instrument d’amour, d’accueil, de
beauté et de paix, dans les contextes où nous vivons.
Ainsi,
cette Journée est toujours une belle occasion de rappeler avec gratitude devant
le Seigneur l’engagement fidèle, quotidien et souvent caché de ceux qui ont
embrassé un appel qui engage toute leur vie.
Je pense aux mères et aux pères qui
ne pensent pas d’abord à eux-mêmes et qui ne suivent pas le courant d’un style
superficiel, mais qui configurent leur existence sur le soin des relations,
avec amour et gratuité, en s’ouvrant au don de la vie et en se mettant au
service des enfants et de leur croissance.
Je pense à ceux qui accomplissent
leur travail avec dévouement et esprit de collaboration; à ceux qui s’engagent,
dans divers domaines et de différentes manières, pour construire un monde plus
juste, une économie plus solidaire, une politique plus équitable, une société
plus humaine: à tous les hommes et femmes de bonne volonté qui se dépensent
pour le bien commun.
Je pense aux personnes consacrées,
qui offrent leur existence au Seigneur dans le silence de la prière comme dans
l’action apostolique, parfois dans des zones frontalières et sans épargner
leurs énergies, en faisant progresser leur charisme avec créativité et en le
mettant à la disposition de ceux qu’ils rencontrent.
Et je pense à ceux qui ont accueilli
l’appel au sacerdoce ordonné et qui se consacrent à l’annonce de l’Évangile et
qui rompent leur vie, avec le Pain eucharistique, pour leurs frères, en semant
l’espérance et en montrant à tous la beauté du Royaume de Dieu.
Aux
jeunes, en particulier à ceux qui se sentent éloignés ou qui nourrissent une
méfiance envers l’Église, je voudrais dire : laissez-vous fasciner par
Jésus, adressez-lui vos questions importantes, à travers les pages de
l’Évangile, laissez-vous inquiéter par sa présence qui nous met toujours
salutairement en crise. Il respecte plus que tout autre notre liberté, il ne
s’impose pas mais se propose : laissez-lui de l’espace et vous trouverez
votre bonheur en le suivant et, s’il vous le demande, en vous donnant
complètement à Lui.
Un peuple en marche
La
polyphonie des charismes et des vocations, que la communauté chrétienne
reconnaît et accompagne, nous aide à comprendre pleinement notre identité de
chrétiens: comme peuple de Dieu en marche sur les routes du monde, animés par
l’Esprit Saint et inséré comme des pierres vivantes dans le Corps du Christ,
chacun de nous se découvre membre d’une grande famille, fils du Père et frère
et sœur de ses semblables.
Nous ne sommes pas des îles fermées
sur elles-mêmes, mais des parties du tout. C’est pourquoi la Journée Mondiale
de Prière pour les Vocations porte gravé le sceau de la synodalité: nombreux
sont les charismes et nous sommes appelés à nous écouter réciproquement et à
marcher ensemble pour les découvrir et pour discerner à quoi l’Esprit nous
appelle pour le bien de tous.
Dans
le moment historique présent, le chemin commun nous conduit vers l’Année
jubilaire de 2025. Marchons comme pèlerins d’espérance vers
l’Année Sainte, afin que dans la redécouverte de notre vocation et en mettant
en relation les différents dons de l’Esprit, nous puissions être dans le monde
porteurs et témoins du rêve de Jésus: former une seule famille, unie dans
l’amour de Dieu et étroite dans le lien de la charité, du partage et de la
fraternité.
Cette
Journée est consacrée, en particulier, à la prière pour invoquer du Père le don
de saintes vocations pour l’édification de son Royaume: «Priez donc le Maître de la moisson d’envoyer des ouvriers à sa moisson»
(Lc 10,2). Et la
prière – nous le savons – est faite plus d’écoute que de paroles adressées à
Dieu.
Le Seigneur parle à notre cœur et
veut le trouver ouvert, sincère et généreux. Sa Parole s’est faite chair en
Jésus-Christ, qui nous révèle et qui nous communique toute la volonté du Père.
En cette année 2024, consacrée précisément à la prière en préparation au
Jubilé, nous sommes appelés à redécouvrir le don inestimable de pouvoir
dialoguer avec le Seigneur, de cœur à cœur, devenant ainsi des pèlerins
d’espérance, car «la prière est la première force de l’espérance. Tu pries et l’espérance
grandit, tu vas de l’avant. Je dirais que la prière ouvre la porte à
l’espérance. L’espérance est là, mais avec ma prière j’ouvre la porte» (Catéchèse,
20 mai 2020).
Pèlerins d’espérance et constructeurs de paix
Mais
que signifie être pèlerins?
Celui qui entreprend un pèlerinage cherche d’abord à savoir clairement quel
est le but, et il le porte toujours dans son cœur et dans son esprit. Mais
en même temps, pour atteindre cet objectif, il faut se concentrer sur le pas
présent.
Pour l’accomplir cela il faut être
léger, se dépouiller des poids inutiles, prendre avec soi l’essentiel et lutter
chaque jour pour que la fatigue, la peur, l’incertitude et les ténèbres ne
bloquent pas le chemin entrepris. Ainsi, être pèlerins signifie repartir chaque
jour, toujours recommencer, retrouver l’enthousiasme et la force de
parcourir les différentes étapes du parcours qui, malgré les peines et les
difficultés, ouvrent toujours devant nous de nouveaux horizons et des panoramas
inconnus.
Le
sens du pèlerinage chrétien est précisément celui-ci: nous nous mettons en
route à la découverte de l’amour de Dieu et, en même temps, à la découverte de
nous-mêmes, à travers un voyage intérieur mais toujours stimulé par la
multiplicité des relations.
Donc, pèlerins parce
qu’appelés: appelés à aimer Dieu et à nous aimer les uns les autres. Ainsi,
notre marche sur cette terre ne se résout jamais dans une fatigue sans but ou
dans des errements sans fin. Au contraire, chaque jour, en répondant à notre
appel, nous essayons de faire les pas possibles vers un monde nouveau, où l’on
vit en paix, dans la justice et l’amour. Nous sommes des pèlerins d’espérance
parce que nous tendons vers un avenir meilleur et nous nous engageons à le
construire le long du chemin.
C’est,
à la fin, le but de toute vocation: devenir des hommes et des femmes
d’espérance. En tant qu’individus et en tant que communauté, dans la variété
des charismes et des ministères, nous sommes tous appelés à “donner corps et
cœur” à l’espérance de l’Évangile dans un monde marqué par des défis
historiques: l’avancée menaçante d’une troisième guerre mondiale par morceaux;
les foules de migrants qui fuient leurs terres à la recherche d’un avenir
meilleur; l’augmentation constante du nombre des pauvres; le danger de
compromettre irréversiblement la santé de notre planète. Et à tout cela
s’ajoutent les difficultés que nous rencontrons quotidiennement et qui,
parfois, risquent de nous jeter dans la résignation ou dans le défaitisme.
À
notre époque, il est décisif pour nous chrétiens de cultiver un regard plein
d’espérance, pour pouvoir travailler avec fruit, en répondant à la vocation qui
nous a été confiée, au service du Royaume de Dieu, Royaume d’amour, de justice
et de paix. Cette espérance – nous assure saint Paul – «ne déçoit point» (Rm 5,
5), car il s’agit de la promesse que le Seigneur Jésus nous a fait de demeurer
toujours avec nous et de nous impliquer dans l’œuvre de rédemption qu’Il veut
accomplir dans le cœur de chaque personne et dans le “cœur” de la création.
Cette espérance trouve son centre
moteur dans la Résurrection du Christ, qui «a une force de vie qui a pénétré le
monde. Là où tout semble être mort, de partout, les germes de la résurrection
réapparaissent. C’est une force sans égale. Il est vrai que souvent Dieu semble
ne pas exister: nous constatons que l’injustice, la méchanceté, l’indifférence
et la cruauté ne diminuent pas. Pourtant, il est aussi certain que dans
l’obscurité commence toujours à germer quelque chose de nouveau, qui tôt ou
tard produira du fruit» (Exhort.ap. Evangelii gaudium, n.276).
L’apôtre Paul affirme encore que «nous
avons été sauvés, mais c’est en espérance» (Rm 8, 24). La
rédemption réalisée à Pâques donne l’espérance, une espérance certaine, fiable,
avec laquelle nous pouvons affronter les défis du présent.
Être
pèlerins d’espérance et constructeurs de paix signifie alors fonder notre
existence sur le roc de la résurrection du Christ, sachant que chacun de nos
engagements, dans la vocation que nous avons embrassée et que nous portons en
avant, ne tombe pas dans le vide.
Malgré les échecs et les revers, le
bien que nous semons grandit de manière silencieuse et rien ne peut nous
séparer du but ultime: la rencontre avec le Christ et la joie de vivre dans la
fraternité entre nous pour l’éternité. Cet appel final, nous devons l’anticiper
chaque jour: la relation d’amour avec Dieu et avec nos frères et sœurs commence
dès maintenant à réaliser le rêve de Dieu, le rêve de l’unité, de la paix et de
la fraternité. Que personne ne se sente exclu de cet appel! Chacun de nous,
dans sa petitesse, dans son état de vie, peut être, avec l’aide de l’Esprit
Saint, semeur d’espérance et de paix.
Le courage de s’impliquer
Pour
tout cela, je dis encore une fois, comme lors des Journées Mondiales de la Jeunesse
à Lisbonne: “Rise up ! – Levez-vous !”. Réveillons-nous
du sommeil, sortons de l’indifférence, ouvrons les portes de la prison où nous
nous sommes parfois enfermés, afin que chacun de nous puisse découvrir sa
vocation dans l’Église et dans le monde et devenir pèlerin d’espérance et
artisan de paix!
Attachons-nous à la vie et
engageons-nous dans le soin affectueux de ceux qui nous entourent et de
l’environnement dans lequel nous vivons. Je vous le répète: ayez le courage de
vous impliquer! Don Oreste Benzi, un infatigable apôtre de la charité, toujours
du côté des derniers et des sans défense, répétait que personne n’est si pauvre
qu’il n’aurait rien à offrir, et personne n’est si riche qu’il n’aurait pas
besoin d’aide.
Levons-nous
donc et mettons-nous en chemin comme pèlerins d’espérance, car, comme Marie le
fit avec sainte Élisabeth, nous pouvons nous aussi apporter des annonces de
joie, engendrer une vie nouvelle et être des artisans de fraternité et de paix.
Rome, Saint-Jean-de-Latran,
Le 21 avril
2024, 4ème Dimanche de Pâques
Le Pape François