L'actuel code de droit canonique dans son canon 1403 traite directement
de la cause de béatification et de
canonisation. Le premier paragraphe du même canon déclare clairement que toutes
les causes de canonisation sont régies par une loi pontificale particulière. Et
le second paragraphe du même canon établit que les dispositions du nouveau code
seront appliquées chaque fois que cette particulière loi pontificale renvoie au
droit universel ou qu'il s'agisse des normes
qui, par la nature même des choses, concernent aussi ces causes de
canonisation.
Cette
loi pontificale est la constitution apostolique Divinus Perfectionis Magister qui fut simultanément
promulguée avec le nouveau code de droit canonique le 25 janvier 1983 et qui
entra en vigueur le même jour, abrogeant ainsi toutes les législations
antérieures en la matière. La nouvelle législation sur les causes de
canonisation comme le nouveau code de 1983 devraient interpréter et épouser
l'esprit de la réforme du concile Vatican II. Et pour son application concrète,
la Congrégation pour la cause des saints a publié les Normae Servandae in Inquisition bus ab Episcopis faciendis in causis
Sanctorum sous l'approbation du Pape Jean- Paul II le 7 Février de la même
année. Plus tard, le 27 Mai
2007, la même Congrégation pour la cause des Saints publiera l'Instruction Sanctorum Mater avec l'approbation du
Pape Benoît XVI pour redéfinir certaines règles du document précédent. Nous
nous servirons de tous ces documents pour notre travail.
Ainsi donc, le procès de canonisation qui est le processus de
« déclaration de sainteté de fidèles qui se sont distingués par l'éclat de
leur charité et des autres vertus évangélique »[i] est un long processus divisé en trois phases :
10
la phase de l'enquête diocésaine introduite par l'évêque compétent qui veut
instruire une cause de canonisation et qui récolte les preuves ;
20
la phase d'instruction diocésaine après avoir envoyé toutes les preuves
récoltées lors de l'enquête diocésaine à la Congrégation des causes des
saints ;
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et enfin la phase pontificale où la Sacrée Congrégation pour les causes des saints
analyse et fait un jugement sur les documents reçus à propos du mérite de la
cause pour les transférer au saint Père qui décrète ou non la canonisation lors d'un consistoire.
1. LA PHASE DE L'ENQUÊTE DIOCÉSAINE : La récolte des preuves
Les Normae Servandae in Inquisition bus ab
Episcopis faciendis in causis Sanctorum sont sont élaborées dans un ordre
plus ou moins chronologiques à leur application. Notre travail veut prendre en
compte les acteurs qui prennent part à l'enquête diocésaine. Mais avant de
parler de ces acteurs, nous voulons présenter succinctement les premiers pas ou
mieux les prérequis en vue de l'introduction d'une cause de canonisation.
Les premiers pas pour introduire une cause de
canonisation
Un certain
nombre de questions se posent avant l'introduction d'une cause de canonisation
notamment : qui peut être candidat, quand peut-on lancer la cause, qui
peut prendre l'initiative ? Il s'agit des premiers pas avant d'engager les
démarches de demande d'ouverture auprès de l'évêque local, auquel incombera
ensuite la charge de mener l'enquête préliminaire à l'introduction de la cause.
Qui peut être proposé pour la canonisation ?
Peut être proposé comme candidat Ã
la canonisation tout catholique mort en odeur de sainteté et ayant les qualités
requises suivantes :
- Réputation de sainteté
- Exercice des vertus chrétiennes de façon héroïque
- Absence d'obstacles insurmontables contre la
canonisation.
a. La
réputation de sainteté
La réputation de sainteté est
l'opinion générale manifestée publiquement de façon spontanée et constante sur
le martyr ou la vie vertueuse et les miracles réalisés par le serviteur de
Dieu, qui induisent le peuple à le vénérer et à se recommander à lui.
La réputation de sainteté, la fama
sanctitatis, doit être spontanée, durable, croissant continuellement
et généralisée c'est-à -dire basée sur un exemple de vie héroïque passée au
service de Dieu et des hommes.
b.
Exercice
héroïque des vertus
Il est requis que le candidat à la
canonisation ait exercé les vertus chrétiennes de façon héroïque. Le jugement
définitif sur le côté héroïque des vertus est du ressort du Pape.
Pour initier la cause il
suffit que l'on puisse penser, pour de solides raisons, qu'exista dans serviteur
de Dieu un tel exercice des vertus. La vertu héroïque est une habitude infuse
par laquelle l'homme face aux plus grandes difficultés se comporte
habituellement d'une façon hors du commun, en accomplissant de difficiles et
répétés actes de vertu avec un grand courage et avec plaisir.
c.
Témoignage de la foi par le martyr et
le don des stigmates
La décision de recevoir quelqu'un
dans le Royaume des cieux appartient de façon nécessaire à Dieu en tant que
Maître et Souverain. Toutefois, l'Église à côté de la sainteté de vie et
l'exercice héroïque des vertus voit en le martyr sanglant et le don des
stigmates des indicateurs de la sainteté[ii].
Obstacle insurmontable
Une fois donnés pour existants, la
réputation de sainteté et l'exercice héroïque des vertus chrétiennes, il peut y
avoir quelques obstacles insurmontables qui empêchent l'introduction ou la
poursuite de la cause. C'est la raison pour laquelle, avant d'introduire une
cause de canonisation, l'évêque doit s'informer par l'intermédiaire de la
Congrégation des causes des saints s'il existe de la part de celle-ci ou
d'autres instances romaines quelques obstacles insurmontables[iii].
Acteurs de la
cause de canonisation
Notons d'entrée de jeu, dans cette
seconde et principale partie de notre travail, que l'acteur de la cause de
canonisation promeut la cause instruite sur l'héroïcité des vertus ou sur le
martyre du Serviteur de Dieu et il en assume les responsabilités morales et
économiques[iv].
Peuvent se constituer acteur de la cause : l'Évêque du diocèse, les
personnes juridiques et les personnes physiques. La canonisation d'un saint
étant un moment important et très significatif de la vie de l'Église, la
personne juridique ou physique se constitue acteur de la cause par un acte
notarié[v].
1. Évêque diocésain
Il est acteur de la cause ex officio. Avant de décider
d'entreprendre la cause, l'évêque diocésain doit vérifier si le serviteur de
Dieu jouit auprès d'une part significative du peuple de Dieu d'une large et
authentique réputation de sainteté ou de martyre associée à une large et
authentique réputation de signes[vi].
Par ailleurs, il est important ici de souligner que l'évêque diocésain accepte
l'acte notarié par lequel une personne juridique ou physique s'établit en
acteur d'une cause de canonisation après avoir vérifié la capacité de ladite
personne à assumer les engagements inhérents à la fonction d'acteur[vii].
2. Les personnes juridiques
Les personnes juridiques qui peuvent
introduire des causes de canonisation sont les diocèses ainsi que les
structures de juridiction qui leurs sont assimilées, les paroisses, les
Instituts de Vie Consacrée ou les Sociétés de Vie Apostolique, ou les
Associations de fidèles cléricales ou laïques admises par l'autorité
ecclésiastique[viii].
3. Les personnes physiques
Une personne physique, c'est-Ã -dire
quiconque fait partie du peuple de Dieu, peut se constituer acteur d'une cause,
à condition d'être en mesure de garantir la promotion de cette dernière dans sa
phase diocésaine et dans sa phase romaine.
III. Le postulateur
1.
Définition et fonction du postulateur
Dans le cadre de l'introduction de
la cause l'acteur nomme, par un mandat rédigé aux termes du droit, un
procurateur, qui est le postulateur pour la phase diocésaine. Il aura pour
fonction de suivre le déroulement de l'enquête au nom de l'acteur auprès des
autorités diocésaines.
2.
Qui peut être postulateur
La fonction de postulateur peut être
assurée par un prêtre, par un membre d'un Institut de Vie Consacrée, d'une
Société de Vie Apostolique, ou d'une Association cléricale ou laïque ;
elle peut aussi être assurée par un laïc[ix].
Ce postulateur doit être expert en théologie, en droit canonique et en
histoire. Il doit, également, connaître les usages de la Congrégation des
Causes des Saints.
Conclusion
En définitive, l'introduction d'une
cause qui marque le début d'un processus qui peut éventuellement conduire à une
béatification et à une canonisation est important dans la vie de l'Église et
est bien règlementée par la législation canonique. Tous les fidèles, du fait de
leur régénération dans le Christ, étant fondamentalement égaux et jouissant des
droits et devoirs au sein de l'Église[x],
donc les personnes physiques tout comme les personnes juridiques, selon les
normes canoniques, peuvent initier des causes de canonisation dans l'Église.
(A suivre)
A. Agathon Gahungu, pretre de l'Archidiocèse de Bujumbura
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[i] J. WERCKMEISTER, Petit dictionnaire de droit canonique,
Paris, Éditions du cerf, 1993, p. 46.
[ii]
Cf. P. VERE et M. TRUEMAN, Surprised by
canon law, volume 2: more questions catholics ask about canon law, Ohio, Saint Anthony Messenger Press,
2007, pp. 75-76.
[iii] Par 'obstacle insurmontable'
nous entendons tout élément de la vie ou de l'enseignement de la personne
préposée à la canonisation qui est fondamentalement contre l'enseignement de
l'Église. Nous pouvons à titre d'exemple citer l'émasculation auto-infligée d'Origène.
[iv] Cf. article 9, Instruction pour
le déroulement des enquêtes diocésaines ou éparchiales regardant les causes des
saints Sanctorum Mater.
[v] Cf. article 11 n°1, opus citatum.
[vi] Cf. article 7 n°1, opus citatum.
[vii] Cf. article 11 n°2, opus citatum.
[viii] Cf. article 10 n°1, opus citatum.
[ix] Cf. article 12 n°3, opus citatum.
[x] Cf. Canon 208, CIC/1983.