Dans le but d'étudier comment améliorer la
qualité de l'éducation dans les Ecoles sous convention Catholique, la Commission
Diocésaine de Supervision des Ecoles sous convention Catholique de l'Archidiocèse
de Bujumbura a organisé, ce vendredi le 8 Février 2019, une journée spéciale dédiée
à l'éducation. Les festivités se sont deroulées au Petit Séminaire de Kanyosha. A l'agenda du jour se
trouvait une conférence tenue en présence de l'Archevêque, S.E Mgr Gervais
Banshimiyubusa. Cette conférence a été animée par l'Abbé Nicolas Nyabenda, conférencier
du jour et Directeur Académique au Grand Seminaire de Bujumbura, sur le thème «La
spécificité de l'enseignement Catholique».
Cette conférence a débuté par une prière faite
par Monseigneur l'Archevêque. Ensuite, un mot d'accueil a été prononcé par l'envoyé
du Recteur du Petit Séminaire de kanyosha, tandis que l'ouverture solennelle des
activités a été lancée par Mgr Gervais Banshimiyubusa lui-même. L'Abbé Eddy
KWIZERA, Superviseur Diocésain des Ecoles sous convention Catholique, assurait
le rôle de modérateur de la séance. Après la présentation du thème du jour, ce fut
un moment d'échange et de questions-réponses, de célébration eucharistique, de
partage d'une agape et d'échange de voeux.
Dans sa présentation, l'Abbé Nicolas Nyabenda, après
avoir posé une problématique de savoir si les écoles d'aujourd'hui sont fondées
l'enseignement, la formation ou l'éducation, il a alors a articule le thème de
la conférence en trois dimensions de son analyse: le contexte actuel de l'éducation
catholique et ses enjeux; le sujet-même de l'Education par rapport aux différentes
méthodes qui ont été tentées depuis les temps; ainsi que les perspectives qui
se résument en solutions proposées par l'Eglise.
Par rapport au sujet des enjeux actuels de l'éducation,
l'Abbé Nicolas Nyabenda a fait remarquer que les écoles d'aujourd'hui font un
mixage de plusieurs approche méthodologiques qui ont été tentées depuis
longtemps mais qui elles-mêmes n'aboutissaient pas aux résultats escomptés. «Le
paysage scolaire se heurte à un enjeu de l'efficacité de l'acte pédagogique: on
privilégie l'enseignement et non l'éducation», a-t-il indiqué. Et pour lui, la
responsabilité est partagée entre l'enfant lui-même, l'enseignant, les parents
et la communauté.
«Dans le contexte de la pédagogie nouvelle, il
n'y a plus d'élèves ou d'écoliers, il n'y a que des apprenants; il n'y a plus d'enseignants,
il n'y a que des facilitateurs du savoir; et le processus éducatif et parfois
perturbé par des reformes»: tel est le constat du conférencier. Se questionnant
sur l'exemple de la réforme du système éducatif burundais en écoles fondamentales,
il se demanda ce qui est fondamental dans ce système: L'enfant? Alors qu'il ne
veut plus réfléchir car découragé et blessé par les phénomènes qu'il voit dans
son entourage (échecs scolaires, chômage, perte d'emploi, divorces, maladies,
insécurités...)? L'enseignant? Alors qu'il éprouve de la peine à gérer une
classe nombreuse (au moment ou l'UNICEF et l'UNESCO préconisent un ratio Enseignant/Elève
de 1/25)?
Alors que certaines valeurs humaines et chrétiennes tendent à ne plus être enseignées car, face à la multiplicité des sectes, l'enseignant met la chose religieuse dans le tiroir, et se contente de la relation pédagogique. Le conférencier a annoncé que, dans les conditions normales, l'enseignement fondamentale vise la connaissance, l'écriture, le calcul, l'aptitude et les valeurs.
Quant à la dimension communautaire, l'animateur de la conférence relève le défi d'une société pluraliste qui manque des fondements éducationnels à instituer: «Nous sommes dans une société pluraliste et matérielle», mentionne l'Abbé. Et ce pluralisme matériel s'observe dans tous les domaines de la vie: pluralisme des sectes, multipartisme, multi ethnisme, contexte de mondialisation, multiculturalisme avec tendance d'uniformatisation des groupes. Il s'installe alors des infiltrations idéologiques et une démocratisation du savoir, ce qui conduit à ce qui a été appelé «Ecole-bourrage» et la création des microsociologies (enseignement basé sur des réalités locales).
Concernant le deuxième sujet du concept d'éducation qui devrait inspirer la conduite de l'enseignement, le conférencier a d'abord informé que l'homme est de nature «un être inachevé». Pour lui, «l'homme naît rien, il doit être ce qu'il doit par lui-même et par son éducateur; il doit devenir chrétien». Tandis que l'enseignant doit aussi être éducateur, la pédagogie nouvelle privilégie l'innovation et l'autonomie par le principe du savoir et du savoir-faire. C'est ainsi que l'éducation doit être centrée vers les compétences professionnelles: approche par objectifs, reformulation des contenus, et formation des formateurs.
Cette approche pédagogique a été également critiquée par le conférencier. L'Abbé Nicolas Nyabenda a indiqué ici que les problèmes ne manquent pas toujours. C'est notamment le problème d'évaluation (la docimologie actuelle a une orientation plutôt certificative que formative, car l'école est de nature sélective), l'auto-marginalisation et la solitude (l'élève qui échoue est voué à se condamner de sa faiblesse et se taxe incapable d'actif économique), avec comme conséquence une mauvaise représentation de l'impact de l'enseignement face à l'avenir.
Comme solutions proposées, le conférencier a évoqué ce qui est connu sous l'appellation de «Ecole, ami de l'enfant» dans le secteur éducatif, qui vise à «Former tout homme en lui-même», c'est-à -dire faire à ce que chaque homme soit témoins de sa vie. L'Abbé Nicolas Nyabenda a proposé une transformation des inégalités, d'abord au niveau des cursus, puis au niveau du rôle social et de la stabilité de l'équipe éducative, mais au-dessus tout au niveau du progrès des valeurs humaines et chrétiennes à l'école, tout en évitant la permissivité et le libre choix de l'apprenant.
Concrètement, l'Abbé Nicolas Nyabenda a résumé sa solution à l'enseignement par l'évangélisation: «Il faut retrouver la matrice de l'éducation par la recherche du sens de la vie; il faut évangéliser le langage et les modelés dans la parole, l'accoutrement, la politique et la science; il faut construire le sens du beau, du vrai et du bien; il faut que la science atteigne l'âme; il faut enseigner la liberté basée sur le discernement évangélique; bref il faut restaurer l'ordre», a-t-il conclut tout en précisant que l'éducation est une forme d'engendrement d'un être humain cette fois-ci enraciné en Dieu et en lui-même.
Au Burundi, les Ecoles d'obédience Catholiques datent
de l'époque de l'avènement des missionnaires. Auparavant, on les appelait des
Ecoles Catholiques, avec des projets clairs qui se conjuguaient en une double
mission l'enseignement et le culte de la foi catholique à travers l'évangélisation
des valeurs chrétiennes. Les choses furent bouleversées vers les années 1980; l'Etat
Burundais, de par son caractère laïc des affaires publiques, s'est réapproprié
de tout ce qui relevait de l'enseignement formel. L'Église Catholique ne
voulant pas abandonner sa mission, car l'évangélisation est sa mission
principale, elle a alors conclu des conventions avec le gouvernement, d'où alors
la nouvelle désignation du titre de ces écoles, «les Ecoles sous convention». C'est
d'ailleurs à cette convention que les autres religions oeuvrant au Burundi se réfèrent.
Signalons que les invités à cette conférence
étaient entre autres les administratifs du secteur de l'enseignement formel, notamment
le Secrétaire Général de l'Enseignement Catholique, l'Inspecteur provincial de
Muramvya, le Directeur Communal d'Enseignement de Mukaza, les différents
responsables de l'éducation dans les écoles sous convention Catholique (directeurs
et préfets des études), les prêtres aumôniers paroissiaux ayant l'éducation et la
supervision de ces écoles dans leur apostolat, ainsi que les représentants des
parents des élevés. Le débat était si riche que les intervenants ont suscité la
révélation, par Mgr Gervais Banshimiyubusa, d'un projet ambitieux de mettre en
place un institut d'obédience Catholique qui assurera un enseignement
universitaire.
Michel NIBITANGA