Le fondateur de WikiLeaks, qui a été reconnu coupable jeudi, par le tribunal de Westminster, d'avoir violé les conditions de sa liberté conditionnelle en 2012, va «contester et combattre» la demande d'extradition américaine, selon son avocate. Une complexe bataille pour obtenir son extradition promet de s'ouvrir au Royaume-Uni, assortie d'un débat sur la liberté de la presse et la protection des journalistes.
Julian Paul Assange, 47 ans (car né le 3
juillet 1971, Ã Townsville), est un informaticien et cybermilitant australien,
également équatorien entre 2018 et 2019. Il est surtout connu en tant que
fondateur, rédacteur en chef et porte-parole de WikiLeaks. Devant la menace
d'une extradition aux États-Unis, où il fait l'objet de poursuites judiciaires,
il vit réfugié à l'ambassade d'Équateur à Londres entre 2012 et 2019. Le
président équatorien, LenÃn Moreno, met fin à son droit d'asile en avril 2019;
Julian Assange est alors arrêté par la police britannique. Barbe blanche et
menottes aux poignets, il a pris, mercredi, manu militari, la direction d'une
autre prison, et les États-Unis demandent son extradition.
Initialement poursuivi pour des accusations de viol en Suède, l'Australien est également recherché par la justice américaine qui lui reproche la divulgation, en 2010, de milliers de documents secrets du Pentagone et du département d'État sur les guerres d'Irak et d'Afghanistan, puis la publication, en 2016, de courriels volés au Parti démocrate et à l'entourage d'Hillary Clinton. Un seul acte d'accusation, pour «conspiration et intrusion informatique», a pour l'instant été dévoilé par l'Attorney General américain, exposant Assange à cinq ans de prison. Mais d'autres charges pourraient s'y ajouter prochainement.
Dans un premier temps, les policiers britanniques ont appliqué, à l'invitation des autorités de Quito, un mandat d'arrêt émis par la Cour de Westminster il y a sept ans, lorsque Assange avait violé les conditions de sa liberté sous caution en trouvant refuge à l'ambassade d'Équateur à Londres. La Cour l'a aussitôt déclaré coupable de ce délit, qui l'expose à douze mois de prison. Auparavant, le président équatorien Lenin Moreno avait pris «la décision souveraine» de lui retirer le bénéfice de l'asile politique qui lui avait été accordé par son prédécesseur Rafael Correa, aujourd'hui réfugié en Belgique pour échapper à la justice de son pays. Élu en 2017, Moreno voyait Assange comme «un caillou dans sa chaussure» l'empêchant de se réconcilier avec les États-Unis.
Un effort pour sortir de l'impasse avait été tenté en faisant du reclus un citoyen équatorien en 2017, mais Londres avait refusé de lui accorder le statut diplomatique. À l'automne dernier, Quito avait durci le ton, exigeant que l'hôte de l'ambassadeur Carlos Abad Ortiz prenne en charge le coût de son entretien, de ses soins médicaux, et prête attention à «l'hygiène de son chat». En mars 2018, l'ambassade l'avait privé d'accès à l'Internet. Justifiant sa décision de mettre fin à une longue impasse, le président Moreno a reproché à Assange «des violations répétées de ses conditions d'asile [?], en particulier la règle de ne pas intervenir dans les affaires d'autres pays: l'incident le plus récent s'est produit en janvier 2019, lorsque WikiLeaks a publié des documents du Vatican.»
Au fait des négociations entre Londres et Quito, Washington tenait prêts son mandat d'arrêt et sa demande d'extradition. L'Équateur ayant obtenu une garantie écrite du Royaume-Uni qu'Assange ne serait pas extradé vers un pays où il risquerait la peine de mort, l'acte d'accusation initial est volontairement limité. Mais les États-Unis reprochent au patron de WikiLeaks sa collaboration avec le soldat Manning (initialement prénommé Bradley, devenu Chelsea à la faveur d'un changement de sexe en 2014), condamné pour espionnage à 35 ans de prison en 2013. Chelsea Manning a été graciée par Barack Obama à la fin de son mandat, après sept ans d'incarcération. Elle est retournée en prison le mois dernier pour avoir refusé de témoigner contre Assange devant un grand jury.
L'Administration Obama avait renoncé à poursuivre WikiLeaks, craignant une polémique sur le respect du 1er amendement de la Constitution, qui garantit la liberté de la presse. Jeudi, le président américain Donald Trump a, lui, réagi avec prudence. «Je ne sais rien de WikiLeaks, ce n'est pas mon affaire», a lancé Donald Trump à la presse, en renvoyant les questions vers son ministère de la Justice. Par rapport à la présidence d'OBama, l'Administration Trump a changé de pied en qualifiant l'organisation d'Assange de «service de renseignement non-étatique hostile» qui constitue «une menace pour la sécurité nationale», selon les termes de Mike Pompeo, alors directeur de la CIA. Malgré cet argument, Washington pourrait se retrouver en compétition avec Stockholm, qui avait clos l'enquête pour viol en mai 2017 «sans se prononcer sur la culpabilité» d'Assange. Les faits ne seront prescrits qu'en août 2020 et l'une des plaignantes a demandé au parquet suédois de requérir urgemment l'extradition du suspect.
WikiLeaks est une organisation non-gouvernementale fondée par Julian Assange en 2006, dont l'objectif est de publier des documents pour partie confidentiels, ainsi que des analyses politiques et sociales à l'échelle mondiale. Sa raison d'être est de donner une audience aux lanceurs d'alertes et aux fuites d'information, tout en protégeant ses sources. Les publications de Wikileaks ont fait l'objet de milliers d'articles à travers le monde, déclenchant de violentes polémiques et des tentatives d'intimidation au plus haut niveau. Les créateurs de WikiLeaks n'ont pas été formellement identifiés, mais le site a été principalement représenté, depuis 2007 par Julian Assange qui se décrit comme un des membres de l'Advisory Board.
Article de Philippe
Gélie, pour Le Figaro.fr, repris par le CEDICOM