L'Université du Burundi a organisé, mardi 11 juin, une journée de commémoration des massacres commis dans la nuit du 11 au 12 juin 1995 contre les Etudiants qui logeaient dans ses campus. Les activités avaient rassemblé les étudiants rescapés de ces massacres, réunis dans une association dénommée «Zirikana UB 95», des hautes personnalités du pays dont le ministre de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique et autres membres du Gouvernement burundais, des parlementaires, le Recteur de la dite Université, des étudiants actuels, des leaders politiques et de la Société civile, ainsi que le corps diplomatique accrédité à Bujumbura.
L'après-midi de cette journée a été
marqué par la célébration eucharistique d'une Messe de requiem présidée par l'Évêque
coadjuteur du Diocèse de Bubanza, Mgr Georges Bizimana, puis elles se sont
poursuivies par le dépôt des gerbes de fleurs et des bougies sur les deux lieux, l'un où sera
érigé un monument en mémoire des étudiants ayant perdu leurs vies dans ces massacrés, et un autre où sera
construit un amphithéâtre en leur mémoire.
Au cours de la célébration eucharistique, l'Évêque coadjuteur, dans son homélie, s'est d'abord indigné des atrocités commises dans un lieu ou l'on s'attendait plutôt à une protection et à la sûreté de la dignité humaine. Il a ensuite focalisé son homélie sur l'amour envers son prochain, même celui qui est considéré comme l'ennemi, car pour lui, il mérite plutôt le pardon, une étape cruciale pour pouvoir amorcer la réconciliation, une condition qui, à son tour, pourra conduire à bâtir la paix durable. Évoquant le concept de justice qui pourrait être menée dans de telles circonstances, il en a expliqué le sens selon les saintes
Écritures.
Dans son homélie, Mgr Georges
Bizimana a indiqué que si l'Eglise participe dans de tels événements de mémoire
des personnes mortes, c'est parce que dans la fois chrétienne, il est reconnu une
communion des trois types de l'Eglise: l'Eglise militante, l'Eglise souffrante
et l'Eglise triomphante. Il a signalé en effet que la célébration avait pour
but de prier pour l'Eglise souffrante, mais aussi de prier pour l'intercession
de l'Eglise triomphante, dont font partie les étudiants tués dans les massacres
de 1995.
Qualifiant de péché structurel ces
massacres qui ont endeuillé le Burundi, Mgr a proposé quelques astuces pour que
de tels actes ignobles ne se reproduisent plus. Eviter la rancoeur et la
vengeance, et apprendre à aimer, prendre l'initiative pour le bien, surtout aimer
ses ennemis, pour que petit à petit le mal puisse vaincre le bien. Pour lui, le
pardon est le seul remède qui pourrait soigner les blessures du coeur. Il a
toutefois indiqué que le pardon ne signifie pas l'oubli, non plus le fait de ne
pas se plaindre aux instances judiciaire.
La liturgie de la Parole a été complétée par différentes prières présentées pour les étudiants en mémoire et pour les familles éprouvées. Après la messe, ce fut alors le moment
effectif des discours de circonstance présentés par divers participants, Ã
savoir le Recteur de l'université du Burundi, le Représentant des étudiants, le
Représentant des rescapés de ces massacres et le Ministre de l'Enseignement supérieur
et de la Recherche scientifique.
Le Recteur de l'Université du
Burundi, après avoir demandé un instant de silence en souvenir des étudiants assassinés,
il a présenté son discours par un accueil des invités dans les enceintes de Université
dont le Rectorat lui est confié. François Havyarimana a ensuite fait savoir que
l'objet de la célébration est effectivement de commémorer les des étudiants
assassinés par leurs collègues, en juin 1995 au Campus de Mutanga à Bujumbura,
tout comme en 1996, à Zege à Gitega. Il a cependant indiqué que les auteurs de
ces ignobles actions ne sont pas encore établis, encore moins l'effectif définitif
des victimes. Il a souhaité que soient érigés un amphithéâtre et un monument Ã
ce campus, en leur mémoire.
Le discours le plus émouvant était celui du Représentant des rescapés de ces massacres, Joseph NKURUNZIZA. Contenant une sorte de témoignage, il a retracé le déroulement de ce qu'il a qualifié de «balayage», un terme qu'il indiqua qu'il était utilisé par les criminels pour commettre leurs forfaits. Pour lui, la nuit du 11 au 12 juin 1995 était un véritable calvaire pour la catégorie sociale des étudiants pourchassés, du moment ou plus de 100 étudiants furent tués, de même qu'un professeur.
Il se souviendra que ceux qui ont pu échapper s'étaient attendus eux aussi à mourir dans leurs trocs, heureusement le matin leur trouvant intacts, tentant ainsi de s'évader, mais les mains bredouilles, vers les lieux plus sûrs et les plus éloignés des campus, comme Kamenge, Nyambuye et Gishingano, bien que là aussi ils furent poursuivis, martèle l'étudiant rescapé, pour tentative de les exterminer.
Il signala
que l'issu n'a pas été facile car la plupart de ces rescapés ont rejoint le
chemin de la rébellion, tandis que d'autres ont fui le pays à tel point que
quand on leur parle de retourner au pays natal, c'est comme si on éveillait le diable
dans leurs mémoires, d'autres ayant abandonné carrément leurs études. Le discours
fût terminé en rassurant toutefois que l'intention de la commémoration n'est pas d'aiguiser
les mémoires maléfiques, mais plutôt de demander à ce que de tels actes ne se
reproduisent plus dans le pays.
Après les discours, c'était alors le moment de se diriger vers les lieux ou seront érigés monument et amphithéâtre et d'y déposer les gerbes de fleurs et les bougies allumées. Au-devant de la file se trouvait le Ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique, Gaspard Banyankimbona, qui a représenté le Gouvernement. Étaient aussi présents le Président de la Commission Vérité et Réconciliation, la Commission Nationale Indépendante des Droits de l'Homme, l'Ex-Président Sylvestre Ntibantunganya, les étudiants actuels, les membres du Gouvernement et du parlement, ainsi que le corps diplomatique.
Au moment où jadis, c'était les
représentants de l'Association pour la Mémoire et la Protection de l'Humanité
contre les Crimes Internationaux, AMEPCI, qui s'étaient donnés l'initiative de
toujours commémoré ces massacres, la spécialité de cette année-ci est que c'est
désormais l'Université du Burundi qui s'en était chargé. Il faut aussi signaler
qu'à ce 24ème anniversaire de commémoration de ces assassinats, une nouvelle
association est désormais fonctionnelle, l'association «Girubuntu UB 95» des
rescapés de ces massacres.
Michel NIBITANGA, CEDICOM