Il
est un impératif pour l'homme de travailler pour gagner sa vie. Dieu a confié
le monde à l'homme pour qu'il le travaille, le domine, l'organise et se procure
le pain quotidien. Fait à l'image, à la
ressemblance de Dieu lui-même dans l'univers visible et établi dans celui-ci
pour dominer la terre, l'homme est donc dès le commencement appelé au travail. Le travail
est l'une des caractéristiques qui distinguent l'homme du reste des
créatures dont l'activité, liée à la subsistance, ne peut être appelée travail;
seul l'homme est capable de travail, seul l'homme l'accomplit et par le fait
même remplit de son travail son existence sur la terre. Ainsi, le travail porte
la marque particulière de l'homme et de l'humanité, la marque d'une personne
qui agit dans une communauté de personnes; et cette marque détermine sa
qualification intérieure, elle constitue en un certain sens sa nature même.
(Laborem Excercens, 1)
S'il
est vrai que l'homme se nourrit du pain gagné par le travail de ses mains, c'est
également une vérité permanente qu'il se nourrit de ce pain en le gagnant à la sueur de son front , autrement
dit par son effort et sa peine personnels, et aussi au milieu de multiples
tensions, conflits et crises qui, en rapport avec la réalité du travail,
bouleversent la vie de chaque société et même de toute l'humanité.
Pour
vivre, l'homme doit travailler. Un homme qui peut travailler et qui ne trouve
pas du travail est atteint dans son for interne. Mendier est une aliénation,
c'est une dégradation de l'être homme. Refuser de travailler pour manger à la
sueur du front des autres est une injustice. La charité
elle-même doit permettre au pauvre de pouvoir travailler de ses propres mains pour
se nourrir. Maintenir les personnes en état de végétation économique est une
offense grave à la dignité de la personne humaine.
De plus
près, au niveau purement objectif, ce travail est compris extérieurement,
techniquement. On parle de la force de travail. On le vend. Qui offre la force est
payé. On le mesure et on l'évalue. Dans
nos sociétés capitalistes, on continue à considérer le travail comme une
«force» anonyme nécessaire à la production
Toutefois,
le travail doit être vu à travers un prisme subjectif. C'est en tant que personne que l'homme
est sujet du travail. C'est en tant que personne qu'il travaille, qu'il accomplit
diverses actions appartenant au processus du travail; et ces actions, doivent
toutes servir à la réalisation de son humanité, à l'accomplissement de la
vocation qui lui est propre en raison de son humanité même: celle d'être une personne. Faisons ce
petit pas logique car il constituera la limite anthropologique du devoir
travailler et toujours travailler. Ce risque de courir nuit et jour pour gagner
sa vie jusqu'Ã l'accumulation, Ã la multiplication des comptes, des assureurs,
des biens matériels comme ces parcelles, ces maisons, ces véhicules,... cette
frénésie finit par inhiber le sens transcendantal de l'homme et celui intrinsèquement
fini de toute réalité matérielle. C'est à ce niveau que nous devons nous arrêter
et voir quelle est notre rapport personnel avec le travail et les biens
matériels.
Un
homme se donne de la peine, il réussit
mais il doit laisser son bien à quelqu'un qui ne s'est donné aucune peine. Que reste-t-il à l'homme de toute
la peine et de tous les calculs pour lesquels il se fatigue sous le
soleil ? Passer sa vie, nuit et jour, dans des souffrances, des occupations,
des tourments ; c'est de la
vanité.
Se dire
dans son coeur : je vais démolir mes greniers, j'en construirai de
plus grands et j'y mettrai tout mon blé et tous mes biens... alors je me dirai Ã
moi-même : te voilà donc avec de nombreux biens à ta disposition, pour de
nombreuses années. Repose-toi, mange, bois, jouis de l'existence. Et après
mourir avant d'avoir joui de ses récoltes. C'est de la vanité, de la futilité
totale. Le mot vanité connote l'insignifiance et l'inconsistance d'une vie sans Dieu.
Il revient
70 fois dans les Saintes Écritures, il renvoie au caractère éphémère et fugitif
de l'homme et des choses ; l'homme est fragile, ses jours sont comme une ombre qui passe. Ce que l'homme fait sans Dieu, quand il amasse pour lui, est
évanescent, il manque de substance et de sens. C'est pour cela qu'il faut faire un
autre pas : travailler, en tant qu'homme, pour se réaliser humainement
et spirituellement. Saint Paul est clair à ce sujet. Il nous donne des
orientations pratiques :
- - Penser
aux réalités d'en haut, non à celles de la terre et rechercher toujours les
réalités d'en haut : la vie est brève et le soir l'homme
s'évanouit.
- - Faire
mourir en nous ce qui n'appartient qu'à la terre : débauche, impureté,
passion, désir mauvais, et cette soif de posséder, qui est une idolâtrie.
- - Bannir tout mensonge, magouille, arrangements, corruption, injustice, toute
forme de détournement pour une quelconque faveur. Sois juste et le Seigneur
bénira tes récoltes.
- - Éviter toute discrimination : qu'il n'y ait plus de païen ni de Juif, ni de circoncis ou d'incirconcis, ni d'esclave ou d'homme libre car le Christ est tout, en tous.
La vie de l'homme ne dépend
pas de ce qu'il possède. Vanité des vanités, tout est vanité !
Abbé Dieudonné NIYIBIZI