L'Archidiocèse
de Bujumbura se trouve en deuil d'un de ses prêtres, l'Abbé Georges RUKUNDO,
décédé dans la matinée de ce Jeudi 24 Octobre 2019, à l'Hôpital St François de Mönchengladbach,
en Allemagne. En lui rendant hommage, nous voudrions faire un retour sur
certains points saillants de la vie de celui qui, dans l'exercice de son
ministère sacerdotal, a su incarner le don de soi
par amour de Dieu pour les hommes en détresse.
Un prêtre ordonné en exil mais plus utile à l'Eglise de sa patrie
D'une famille de 8 enfants (4 garcons et 4 filles) et le plus jeune de la famille, l'Abbé Georges RUKUNDO, dont le nom complet est l'Abbé Georges GITURANYA RUKUNDO, fils de Gervais GITURANYA et Rosalie BAKIRE, est né le 22 février 1944, à Gasenyi en commune Bwambarangwe, Province Kirundo. Il a commencé l'Ecole primaire en 1950 qu'il termina à Rugari en 1957. D4 en 1962 de Musenyi, il enseigna à l'école primaire de Giteranyi. C'est le 25 novembre 1964 qu'il entra dans la Congrégation des Frères de la Miséricorde et commença le noviciat le 25 avril 1966. Il fit ses premiers voeux le 26 avril 1967. Il poursuivit ses études en Belgique de 1968 à 1970 et poursuivit sa mission d'enseignement jusqu'en août 1973.
Jeune frère de la Miséricorde, il s'exila au Rwanda lors des "événements" de 1972, avec ses confrères. Il poursuivra ses études à l'Université du Rwanda à Butare, de 1974 à 1977. Dans l'entre-temps, il fera ses voeux perpétuels. De là , il demandera à Mgr André Perraudin, Archevêque de Kabgayi, de l'accueillir au Grand Séminaire parce qu'il sentait en lui une voix qui l'appelait au sacerdoce. L'évêque l'envoya aux études Théologiques en Suisse. Il fut ordonné le 20 Juillet 1986.
De retour, il officia comme curé dans le diocèse de Kabgayi depuis 1986, avant de rentrer dans son pays natal (1993) où il s'incardina dans le diocèse de Bujumbura. A son rapatriement, il fut accueilli par Mgr Simon Ntamwana et commença sa mission dans la Paroisse Kinama comme Vicaire paroissial avec Abbé Salvator NTIBANDETSE, avant d'être nommé Curé d'une Paroisse en fondation, la Paroisse Magara (1993-1997). Il fut le tout premier Curé historique paroissial. e
Un prêtre qui ne relâche pas son désir d'aider malgré son calvaire
Tout au long de sa vie sacerdotale, le fil conducteur de l'Abbé Georges Rukundo, c'est le désir d'aider. Il a partagé maladies, pauvreté, guerre et emprisonnement avec ses compatriotes, mais n'a cessé de continuer sa mission pastorale, jusqu'à la construction d'un presbytère et d'une église, et en 1996, le premier service y est célébré. Mais l'Abbé George va faire encore plus pour les gens de sa communauté, et son plan sera de construire un Hôpital.
Les fidèles de la Paroisse lui rendent hommage non seulement pour la fondation de la Paroisse mais aussi pour ses différentes constructions à Magara, notamment le presbytère, des écoles et un Hôpital pour enfant. C'est ainsi que le succès de son dernier projet sera, grâce à l'aide de ses amis de Wegberg, la construction, le 20 janvier 2010, d'un Centre de Santé dans sa Paroisse. C'était au moment où les gens de cette localité vivaient des conditions précaires.
Alors qu'il
n'y avait pas de structures de santé, celui qui avait besoin d'aide médicale devait parcourir au moins 25 kilomètres jusqu'à l'infirmerie la plus proche,
et cela à pied, car les transports en commun n'existent pas, ce qui était malheureux,
surtout aux femmes enceintes en besoin d'assistance médicale. Et par conséquent, un enfant sur cinq mourrait avant
l'âge de cinq ans. Le principal projet de l'Abbé Georges Rukundo était donc de construire
un Hôpital pour enfants et mères de Magara.
Coup dur du destin pour à l'Abbé Georges RUKUNDO de concrétiser son idée
Quand la guerre civile des années 1996-1998 affectait le petit ville situé au bord du lac Tanganyika, son projet fut interrompu. L'Abbé Georges se verra arrêté et emprisonné. Tout commence avec les troubles survenus dans le pays, et même le petit Magara en ressent enfin les effets : des groupes armés qui entraient dans le village se cachent dans les montagnes qui surplombent Magara. Malgré les avertissements de sa famille et de ses amis, le pasteur avait décidé de rester, car il se disait qu'il était venu pour être au service des fidèles et qu'il devait y construire une Paroisse.
Quand il verra que la population avait vidé les lieux, c'est là qu'il alla servir à la paroissse Mutumba dont la communauté des Pères Schoenstatt venait aussi de fuir pour des raisons de sécurité. Ces derniers avaient rejoint la Capitale de Bujumbura, au Mont Sion de Gikungu. C'est à Mutumba que l'inimaginable se passa: l'Abbé Georges fut arrêté un certain vendredi soir, à la veille de l'ordination sacerdotale de 1997 de Kinama. Qu'avait-il fait ? Rien du tout, à part que l'armée régulière s'improvisait parfois pour arrêter des gens, leur accusant complicité avec l'ennemi du pays.
L'Abbé Georges sera détenu dans une prison (de 1997 à 1999), à Ngozi, avant qu'il ne concrétisa son rêve. Heureusement, il ne sera pas maltraité mais les conditions dans la prison étaient catastrophiques: construite pour 600 détenus, ils étaient à 2400 personnes. Au début, il se débattait avec son destin, mais après s'être installé pendant un moment, il commença à négocier avec le Directeur de la prison pour ouvrir une petite école d'alphabétisation, d'ailleurs il était enseignant de formation. L'emprisonnement du Pasteur de Magara durera trois ans, jusqu'à ce qu'il soit finalement relevé des accusations et libéré. Le prêtre remercia Dieu d'avoir survécu, car il aurait pu mourir.
Après sa libération en 1999, l'abbé Georges demande son congé et se rend en Allemagne. Il fut accueilli à Arsbeck et s'occupe des paroisses catholiques autour de Wegberg (2000 à 2007), aux côtés du clergé local. La situation politique toujours tendue au Burundi ne permet pas initialement au prêtre de retourner dans son pays d'origine. Il se plonge dans la vie en Allemagne, mais la pensée de la détresse dans son pays natal, et particulièrement dans sa Paroisse de Magara, fut son compagnon fidèle. Ses amis à Wegberg sont finalement ceux qui encouragent la création d'une association chargée de soutenir la construction d'une infirmerie à Magara.
Après que
la situation se soit calmée au Burundi, l'abbé Georges rentre en
2007. Pour lui, c'est l'heure du recommencement. Après un crochet de 2 ans dans le diocèse de Muyinga, il s'implique dans de nombreux
domaines qui incluent l'Agriculture, l'Education et la santé, et
Magara a déjà un terrain pour une infirmerie. La construction commence, et au
cours des cinq années qui ont suivi, une ambulance, un Centre de santé avec un service de maternité seront opérationnels, et la mise en service sera
officiellement approuvée en 2012. Rappelons que de 2010-2012 il était affecté à la paroisse Kanyosha.
Ses petits pas vers le Père...
En 2012, un autre coup du destin le rattrapa: il souffre d'une grave maladie, et il doit maintenant être traité de manière urgente. Il devra retourner en Europe. Là , la chirurgie et les traitements rendent le retour au pays impossible. Heinz-Werner Lennartz, cofondateur de l'association qui aidait dans les constructions de Magara, accueille le prêtre dans sa maison. Les sept membres du conseil prennent soin de l'Abbé George, malade.
Aujourd'hui, l'Abbé Georges Rukundo rend son âme à son Créateur alors qu'il était en retraite, dans une résidence principale à Wegberg. C'est après une visite de son confrère qu'il lâcha, dans la sérénité et la paix, son dernier soupir et s'en alla, dans la petite matinée de ce jeudi 24 octobre 2019, à 75 ans, à l'Hôpital St François de Mönchengladbach, en Allemagne.
Confions-le au Seigneur pour qu'il se repose dans la paix et moissonne les fruits de son don de soi pour le peuple de Dieu.
Michel NIBITANGA, CEDICOM