En fait, la matrilinéarité n'était en vigueur que pour réglementer la filiation dans le cadre d'un type particulier de mariage considéré comme illégal (cas de femme esclave ou de femme non-juive s'unissant à un Israélite). Et dans ce cas, lorsqu'une femme, qui ne peut virtuellement contracter de mariage légal, s'unissait à un partenaire avec lequel elle ne pouvait établir une validité de mariage, l'identité de l'enfant devait être conforme à la sienne.
Sans pour autant devoir inventorier tous les cas de doute qu'il y avait, disons tout simplement que les situations de doute, c'était vraiment problématique pour pouvoir établir la «parenté» rabbinique, donc la «généalogie», tout en essayant d'éradiquer les «mélanges rabbiniques». En fait, le problème résidait dans la succession: le père transmettait non seulement son nom, mais aussi ses biens. Et quelques règles étaient à suivre en cas de doute sur la filiation paternelle. Dans la logique juridique des rabbins, le fils «douteux» n'avait pas droit de réclamer une part de l'héritage.
La raison du ciel: l'ange transforme le problème de Joseph en solution
Au temps de la conception de Jésus, les Juifs étaient dans le contexte d'une vive espérance: l'attente messianique était répandue dans toutes les strates de la société. Certains courants du judaïsme et une partie du peuple aspiraient à la venue d'un Messie/Sauveur, libérateur d'Israël établissant à jamais le Règne de Dieu, tandis que dans les classes populaires, l'attente messianique détenait une forte coloration nationaliste. Le Messie devait provenir de la généalogie de David (Jésus, fils de David).
Comme il se devait donc que s'accomplisse tout ce que le Seigneur avait dit par le prophète Isaïe,
«un rameau sortira de la souche de Jessé [le père du roi David]» (Isaïe 11:1).
«Le Seigneur Lui-même vous donnera un signe: une jeune fille deviendra enceinte, elle enfantera un Fils, et on Lui donnera le nom d'Emmanuel» (Ésaïe 7:14).
«Sur Lui reposera l'esprit du Seigneur: esprit de sagesse et d'intelligence, esprit de conseil et de force, esprit de science et de crainte de Dieu» (Isaïe 11:2).
Donc Marie, la fiancée de Joseph, a été enceinte de par l'Esprit Saint (Mat.1:18), et tout cela arriva pour que s'accomplisse ce que le Seigneur avait dit. Et l'accomplissement de cette prophétie devait toutefois appeler deux remarques: une fille vierge qui devait concevoir et enfanter un fils auquel on donnera le nom d'Emmanuel (Dieu avec nous), et un homme de la généalogie de David qui devait prendre chez lui cette fille comme son épouse pour préserver le principe de filiation haut évoqué.
«Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre avec toi Marie, ta femme, car l'enfant qu'elle a conçu vient du Saint-Esprit; elle enfantera un fils, et tu lui donneras le nom de Jésus; c'est lui qui sauvera son peuple de ses péchés» (Mat.1:20b-21).
«À son réveil, Joseph fit ce que l'Ange du Seigneur lui avait prescrit : il prit chez lui son épouse» (v. 24).
En fin de compte, pour contrer l'ignorance de Joseph de l'initiative divine, une ignorance qui allait risquer de faire avorter le projet de Dieu, à savoir insérer son Messie dans la lignée davidique, c'est ainsi que Dieu usa du sens de la «justice» de cet homme. Et comme solution au problème de Joseph, Dieu substitua au processus biologique ordinaire, un acte original de création. En effet, dans la logique de l'accomplissement de la prophétie d'Isaïe, l'Esprit Saint ne remplace nullement l'élément masculin de génération, Il est au contraire la puissance par laquelle Dieu agit comme Créateur.
Donc, ce que l'évangéliste d'aujourd'hui conjugue à travers le récit d'annonciation est de nous rappeler que, par le «Oui» de Joseph et Marie, et par notre «Oui», le Seigneur confère toujours une mission à un appelé de Dieu. En témoigne ce récit du patriarche Joseph, célébré comme un modèle du juste, par sa probité et sa chasteté, et selon lequel Joseph, en tant que «fils de David», aura eu un rôle capital à jouer, celui de nommer l'enfant, et par-là d'accepter un rôle réservé naturellement au père: l'adoption sous le signe implicite de paternité.
Oui, l'authentique filiation davidique de l'enfant Jésus par Saint Joseph dépendait de l'obéissance de Joseph, néanmoins, le nom de «Jésus» porte en lui plus que cette filiation, puisqu'il signifie «Dieu sauve». Saint Joseph, apprend-nous à comprendre qu'accueillir Jésus c'est accueillir un Père qui ouvre toujours tout grand des espaces à l'inédit, et aussi accuellir le Salut promis.
Michel Nibitanga, CEDICOM