La première moitié du chapitre 7 de l'Evangile selon Marc (Mc 7,1-23) nous fait passer insensiblement à la mission du Christ orientée vers la conversion des païens. Or, les pharisiens, eux, avaient multiplié des exigences de la pureté légale (Exode 19,5-6), par des règles qui étaient devenues obligatoires, sans que l'on se soucie de l'intention.
Alors que ces règles étaient ainsi la marque des gens bien-pensants, des gens bien, car selon la tradition des anciens, la religion était par conséquent devenue une affaire de pratiques extérieures, c'est ainsi que Jésus dénonçait avec énergie cette abâtardisation de la religion. Jésus a alors contesté le fondement même du pharisaïsme, en présence des juifs. Il provoquera ainsi une intensification de l'opposition qui s'élève contre Lui, si bien qu'il devra quitter le territoire juif (Mc 7,24). D'ailleurs certains commençaient de l'accuser d'avoir aspiré à devenir un roi juif, comme d'autres messies autoproclamés.
Des accusations faites par les pharisiens et les scribes contre Jésus
Tandis que les pharisiens et les scribes avaient une conception symbolique des lieux, car pour eux, Jérusalem était un lieu d'une valeur symbolique (la ville sainte), en opposition avec la Galilée (terre païenne) - si bien que chaque fois que Jérusalem est citée, c'est dans un sens hostile - c'est de là que sont venues toutes les attaques malveillantes contre Jésus! Ils ne se sont même pas posé la question de savoir comment la Loi est née, ni dans quel but elle a été ordonnée. Ils en ont plutôt fait de mille minuties qu'ils pratiquaient sans les comprendre.
Ils n'étaient donc pas les amis de Jésus. On peut même dire que ce sont des adversaires. D'où s'ils venaient souvent à Jésus, leur mission n'était autre que d'espionner les agissements et les paroles de Jésus et de ses disciples pour formuler des accusations.
«Les pharisiens et quelques scribes étaient venus de Jérusalem. Ils se réunissent autour de Jésus et voient quelques-uns de ses disciples prendre leur repas avec des mains impures, c'est-à -dire non lavées. Alors [ils] demandent à Jésus: "Pourquoi tes disciples ne suivent-ils pas la tradition des anciens? Ils prennent leurs repas sans s'être lavé les mains"» (Mc 7,1-5).
Face à Jésus qui, Lui, enseignait plutôt à distinguer «l'essentiel» à travers les coutumes, et à se libérer de celles qui bloqueraient inutilement des païens de bonne foi, les pharisiens et les scribes n'ont pas eu à attendre longtemps: ils se sont aperçu que certains des disciples de Jésus ne se lavent pas les mains avant les repas. Pour eux, ils enfreignent une tradition, qu'ils seraient bien en peine de rattacher à la Loi de Moïse. Peu leur importe, la coutume existe, il faut la respecter! C'est là , d'ailleurs, que les responsables de la nation condamneront Jésus à mort et le livreront aux romains.
Les pharisiens et l'exégèse juive
L'exégèse juive de la Bible consiste à expliquer et à appliquer la Bible hébraïque, c'est-à -dire à en élucider le message et en tirer la Loi. Elle remonte au prophétisme, où des individus font appel au langage de la Torah pour rappeler la population à l'ordre. Toutefois, leurs interprétations du message et des prescriptions bibliques sont considérées, par les Pharisiens tout au moins, comme émanant de Dieu Lui-même, et ne pouvant être soumises à investigation.
Les pharisiens constituent un groupe religieux et politique de Juifs fervents. Apparu, avec les sadducéens et les esséniens en Palestine lors de la période hasmonéenne vers le milieu du IIe siècle avant Jésus Christ, en réponse à l'hellénisation voulue par les autorités d'alors. La reconstruction des Pharisiens par l'exégèse juive veut les présenter comme étant des seuls justes.
Ils pratiquent le jeûne et appliquent à leur vie quotidienne des règles de pureté; ils s'astreignent à des règles de pureté particulières concernant la nourriture et les ustensiles destinés à la préparation et à la présentation des repas; ils observent des règles de pureté vis-à -vis des défunts et des sépultures; la pureté et la sainteté des dispositifs destinés aux sacrifices dans le Temple ainsi que la manière de les offrir; les obligations légales concernant les redevances et la dîme destinées au clergé; l'observance du Sabbat et des jours sanctifiés, particulièrement pour le travail et les déplacements; le mariage et le divorce, particulièrement les motifs de divorce et la rédaction de certificats.
Le caractère Théocentrique de l'activité de Jésus
Alors que la vision chrétienne des pharisiens a conduit à associer le pharisaïsme à la démonstration d'une piété ostentatoire et hypocrite qui s'imposer à l'ensemble du peuple d'Israël, l'activité de Jésus a par contre un caractère résolument Théocentrique qui met plutôt en valeur la venue d'un Règne juste, qui s'annonce comme une bonne nouvelle pour les pauvres, les méprisés, ceux qui souffrent.
«L'Esprit du Seigneur est sur Moi, parce qu'il m'a oint pour annoncer une bonne nouvelle aux pauvres; Il m'a envoyé pour guérir ceux qui ont le coeur brisé, pour proclamer aux captifs la délivrance, et aux aveugles le recouvrement de la vue, pour renvoyer libres les opprimés, pour publier une année de grâce du Seigneur» (Luc 4,18-19).
Dieu va sortir de son silence et se remettre à agir de façon décisive contre l'ordre du monde (ou son désordre). Il va se manifester comme Dieu et prendre en main son oeuvre. Et déjà il fait signe, dans les guérisons et les exorcismes, dans l'évangélisation des pauvres, et il fait entendre aux hommes les appels de la sainteté de son Règne.
Pour Jésus, annoncer le Règne de Dieu et proclamer sa volonté, c'est assumer un identique service de Dieu, ce Dieu qui vient rendre possible ce qui est impossible aux hommes. Sa venue, c'est l'oeuvre de Dieu, mais elle mobilise les bonnes volontés humaines, les engageant dans la conversion et dans la foi. Car la porte est étroite et l'entrée dans le Règne ne va pas sans des choix décidés qui peuvent être déchirants. Ainsi la venue du Règne et l'entrée dans ce Règne commandent la mission que Jésus assume devant Dieu pour les hommes.
Il est donc opportun aux chrétiens de se réjouir d'avoir, contrairement aux pharisiens et aux scribes, compris, la mission de Jésus et son activité aux hommes. Car Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse point, mais qu'il ait la vie éternelle (Jn 3,16). Le Père a révélé en nous son Fils, (Ga 1,15-16), jusqu'au jour où il nous sera donné de le voir tel qu'il est (1Jn 3,2).
Michel Nibitanga, CEDICOM